Une tribune pour les luttes

Amitiés kurdes de Bretagne

Le procès des 151 personnalités kurdes, élus politiques et associatifs à Diyarbakir est ajourné jusqu’au 13 janvier 2011.
Les détenus restent en prison.

+ vidéo sur les manifestations de tout un peuple lors de la première semaine du procès
+ Entre langue inconnue et loi du Chapeau : le kurde et les juges par Sandrine Alexie

Article mis en ligne le mardi 23 novembre 2010

Une semaine au Kurdistan.
Vidéo réalisée par l’Association Arjîn. Trois membres de l’association sont allés au Kurdistan le mois dernier (octobre 2010) pour observer le procès KCK à Diyarbakir où 151 prévenus kurdes sont jugés. Ils faisaient partie de la délégation française de Paris.

http://www.youtube.com/watch?v=GKiKzTTo25Y&feature=player_embedded



La question kurde en Turquie et le non respect des droits de l’Homme

Communiqué de presse du 23 novembre 2010

Le gouvernement turc a lancé en août 2009 son "initiative d’ouverture démocratique" visant à garantir l’effectivité de l’ensemble des droits de la population kurde. Force est de constater qu’aujourd’hui, ce projet peine à se concrétiser. Néanmoins, les contacts directs entre le gouvernement et Oçalan représentent une avancée politique majeure privilégiant enfin la voie du dialogue sur une solution militaire du conflit.

La guérilla du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) contre l’armée turque, a commencé en 1984 et a fait plus de 40 000 morts, en majorité kurdes. Les exactions tant du PKK que de l’armée turque sont légion et ne doivent pas rester impunies pour la réussite d’un processus de réconciliation.

Depuis octobre 2010, s’est ouvert à Diyarbakir, la plus grande ville kurde en Turquie, un procès contre 151 personnalités kurdes, dont des défenseurs des droits de l’Homme et un grand nombre d’élus du Parti pour la Paix et la Démocratie, y compris le Maire de cette ville.

De nombreux vices de procédure font craindre que ces personnalités soient mises en cause pour leurs revendications politiques et leurs activités de défense des droits de l’Homme. Nous rappelons que toute atteinte au droit à un procès équitable est inacceptable au regard des engagements internationaux de la Turquie en matière de droits de l’Homme. Par ailleurs, la demande des avocats - que la défense des accusés puisse se faire dans leur langue maternelle, le kurde - a été rejetée par le tribunal. Le droit international impose que tout accusé comprenne la langue de son procès ou puisse se faire assister d’un interprète le cas échéant. Si la violation du droit à un procès équitable n’est pas ici nécessairement caractérisée, il n’en demeure pas moins que symboliquement, le signal ainsi envoyé par la magistrature n’est pas encourageant.

La Charte des Verts Mondiaux reconnait « le droit des peuples autochtones à disposer des moyens nécessaires à leur survie culturelle et économique, notamment le droit à la terre et à l’autodétermination, et leur contribution au patrimoine commun de l’humanité, et le droit des minorités ethniques à leur culture, leur religion et leur langue sans discrimination. »

Aussi, nous appelons l’Union Européenne à utiliser tous les moyens pour faire progresser en Turquie l’indépendance de la justice, les droits élémentaires des accusés et les droits de tous les citoyens kurdes de protéger leur langue et leur culture.

Nous soutenons également les citoyens, la société civile, ici et ailleurs, qui luttent pour les droits démocratiques de l’ensemble de la population kurde. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de l’élaboration d’une nouvelle constitution civile en Turquie que de garantir l’effectivité des droits et l’égalité de l’ensemble des citoyens comme d’approfondir la décentralisation et de consolider les prérogatives des pouvoirs locaux.

Djamila Sonzogni, Porte-parole
Hélène Flautre, Députée européenne
Europe Ecologie / Les Verts


http://sohrawardi.blogspot.com/

Vendredi, novembre 19, 2010


Entre langue inconnue et loi du Chapeau : le kurde et les juges

Le 18 octobre s’est ouvert à la Haute Cour criminelle de Diyarbakir, le procès de 152 Kurdes, (dont 104 en détention), politiciens ou membres d’associations de défense des droits de l’Homme, accusés d’appartenance au PKK, par le biais de la Confédération démocratique du Kurdistan (KCK).

L’acte d’accusation de 7500 pages peut faire encourir aux prévenus des peines de prison allant de cinq années à la perpétuité, pour appartenance à « une organisation terroriste », menace contre « l’unité de l’État », « propagande terroriste » et « soutien à une organisation terroriste ».

Parmi les accusés, le maire de Diyarbakir, Osman Baydemir, risque 36 ans d’emprisonnement. Onze autres maires kurdes sont jugés à ses côtés, tous membres du parti pro-kurde le BDP.

Mais dès l’ouverture du procès, les débats se sont déplacés de l’acte d’accusation proprement dit à la langue devant être utilisée par la défense. Les avocats ont en effet exigé de s’exprimer en kurde, ainsi que leurs clients, en alléguant du droit à être jugé et entendu dans sa langue maternelle.

La demande a été d’emblée rejetée par la cour, qui a refusé d’enregistrer des propos tenus « en une langue inconnue », arguant aussi que les interrogatoires et les dépositions des accusés s’étaient tous déroulés en turc, et que le recours à des interprètes ne ferait qu’allonger le temps du procès.

L’avocat Sezgin Tanrikulu a relié cette négation de la langue kurde à celle qui fut faite à l’ancien maire de Diyarbakir, Mehdi Zana, quand, 25 ans auparavant, il avait assuré sa propre défense en kurde. Le tribunal avait refusé de prendre en compte sa prise de parole dans sa langue maternelle en déclarant que l’accusé avait simplement usé de son « droit de garder le silence ».

La défense a invité le professeur Baskin Oran au procès, afin qu’il donne son avis d’expert politique et juridique sur le droit d’user de la langue kurde dans un tribunal, en se fondant sur le traité de Lausanne, signé entre la Turquie et la Société des Nations : l’article 39/5 de ce traité énonce en effet que « nonobstant l’existence de la langue officielle, des facilités appropriées seront données aux ressortissants turcs de la parole non-turque pour l’usage oral de leur propre langue devant les tribunaux », ce qui comprend donc la présence d’interprètes.

La cour ayant refusé d’entendre Baskin Oran, ce dernier a alors déclaré que cela entraînait la possibilité d’invalider le jugement : « Le refus d’entendre un expert est une raison pour la Cour d’appel d’annuler un verdict. Même le fait que je n’étais pas entendu comme une personne seule est une raison pour la Cour d’appel d’infirmer le jugement ».

Deux jours plus tard, le 22 octobre, 47 membres du KNC, dont 22 détenus, ont comparu devant la 8ème chambre criminelle dAdana. La même requête pour s’exprimer en kurde a émané de leur avocat, Vedat Özkan, qui a appelé la cour à « une décision courageuse », en invoquant le droit de ses clients de présenter leur défense en kurde.

Finalement, le 8 novembre, la 6ème chambre de Diyarbakir, après avoir coupé le micro à la défense dès qu’elle s’exprimait en kurde, a décidé de renvoyer le cas à la 4ème chambre criminelle, qui doit statuer sur le droit ou non d’employer une autre langue que le turc dans ce procès.

Mais l’initiative a fait mouche et d’autres procès mettant en cause des Kurdes (ce n’est pas ce qui manque en Turquie) se sont trouvés devant la même demande, en y opposant le même refus : ainsi la 11ème chambre criminelle d’Istanbul, a refusé d’enregistrer les propos de l’avocate Songül Sicakyuz dans une langue que, contrairement à la 6ème chambre de Diyarbakir, la 11ème chambre n’a pas qualifiée « d’inconnue », mentionnant simplement que la défense avait parlé en kurde, "langue que la cour ne comprend pas".

Depuis, des manifestations de rue ont eu lieu, ça et là, à Şirnak ou Kars, par exemple, pour réclamer le droit des Kurdes de prendre la parole dans leur langue maternelle dans les tribunaux et d’être défendus dans cette même langue.

Par ailleurs, la loi du Chapeau, qui proscrit non une langue précise, mais l’usage écrit d’un alphabet autre que le turc, refait parler d’elle. Le sociologue Ismail Beşikçi, maintes fois condamné durant toute sa carrière pour avoir affirmé l’existence d’un peuple kurde, est maintenant accusé, avec l’avocat Zeycan Balci Şimşek, de propagande pour le PKK, chef d’accusation qui n’a rien de très original en Turquie, reconnaissons-le. Zeycan Balci Şimşek est en effet le directeur de rédaction d’une revue, «  Droit et Société contemporaine », publiée par une association d’avocats. Il est poursuivi pour avoir laissé paraître un article du célèbre sociologue : « Les Kurdes et le droit des nations à l’auto-détermination ».

Bien sûr, rien que le thème en soi a de quoi glacer un patriote jusqu’au fond de ses caleçons rouge et blanc, mais, ce qui aggrave le cas de Beşikçi, selon le procureur, c’est que, pour écrire le nom de la montagne du Kurdistan d’Irak où sont installées les bases du PKK, le sociologue a utilisé la lettre Q : Qandil et non Kandil.

Grave. De quoi se ramasser plus de 7 ans de prison (7 et demi ont été de fait requis contre les deux criminels).

Leur avocat, Taylan Tanay a fait du mauvais esprit et demandé à l’accusation si celle-ci écrivait «  New York » ou Nev York (les lettres W et X sont aussi considérées comme terroristes) ? Et si le procureur avait l’intention de demander la saisie sur l’ensemble du territoire turc de tous les claviers d’ordinateurs équipé d’un Q ? (on doit pouvoir en trouver quelques-uns...


Samedi 13 novembre 2010

La 6ème Haute Cour pénale de Diyarbakir s’est trouvée devant une situation, inédite jusqu’alors, depuis l’ouverture du procès le 18 octobre dernier intenté à 151 personnalités kurdes, élus politiques et associatifs, qui présentent leur défense en s’exprimant dans leur langue maternelle. Il en est de même pour les interventions de leurs avocats qui plaident en kurde et qui déposent plaintes sur plaintes pour entrave : les micros sont, en effet, systématiquement coupés et les contrevenants expulsés manu militari de la salle d’audience.

Le tribunal s’obstine à refuser l’emploi du kurde arguant du fait que les accusés peuvent s’exprimer en turc, et allant même jusqu’à déclarer que la langue kurde est un idiome "inconnu" ; les inculpés, dont un grand nombre sont détenus depuis de longs mois - avril 2009 pour certains - montrent en la matière une tranquille détermination.

C’est, tout le monde l’a compris, une formidable tribune pour le combat identitaire : il démontre que les "avancées" ne sont pas si conséquentes qu’on voudrait le dire ; même la Commission européenne dans son rapport annuel, note que les efforts du gouvernement turc en direction de la minorité kurde "n’ont produit que des résultats restreints" et réclame une nouvelle constitution.

La 6ème Haute Cour pénale de Diyarbakir s’est donc trouvée acculée à demander l’arbitrage de la 4ème Haute Cour pénale qui va statuer en appel et rendre sa décision le 13 janvier 2011.

Dans cette attente, le Pouvoir ne baisse pas la garde et la répression continue à s’exercer durement : les demandes de remise en liberté des détenus ont été refusées et aucune astreinte liée au contrôle judiciaire pour les prévenus en liberté conditionnelle n’a été allégée.

A. Métayer


Le 18 octobre 2010 s’est ouvert à Diyarbakir, un procès qui va juger 151 personnalités kurdes, parmi les 1.500 prévenus qui croupissent, certain(e)s depuis 18 mois, dans les geôles turques.

C’est, depuis les purges staliniennes, le plus grand procès politique en Europe : il fait suite au succès kurde obtenu lors des élections locales et régionales de mars 2009.

Il s’agit de 41 femmes et de 110 hommes ; 108 sont toujours détenus.

On compte 3 anciens députés du DEP, 25 maires, maires adjoints et anciens maires, un président de Conseil régional, des conseillers municipaux, 28 dirigeants du DTP dont les 3 Vice-présidents, l’ancien président du DEHAP, le vice-président de l’association des droits de l’homme (IHD), le directeur général du DISKI (direction de l’administration des eaux et canalisations de Diyarbakir), le chef de rédaction de GÜN TV, la coordinatrice et le secrétaire général du GABB (Union des municipalités du sud-est anatolien dont le président est Osman Baydemir), le coordinateur général de l’association Agenda Local 21, un conseiller du président du BDP, des présidents et des administrateurs d’associations comme GÖÇ-DER (aide aux personnes déplacées "en exil intérieur"), MEYADER (aide aux orphelins et familles victimes de guerre), TUHAD-DER (aide aux détenus et à leur famille), IHD (défense des droits humains), le Centre Culturel de Mésopotamie "MKM" (prononcez mékamé), des avocats dont 2 défenseurs d’Abdullah Öcalan...

Deux prévenus, toujours incarcérés, Leyla Güven, Mairesse de Viranşehir, et Seyhmus Bayhan, Président du Conseil de la Région de Diyarbakir, sont membres du Conseil de l’Europe et siègent au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.

Un réquisitoire de 7578 pages requiert des peines d’emprisonnement allant de 15 ans à la perpétuité. Le motif ? Non, le leitmotiv : terrorisme.


Pour l’historique, les communiqués, les interviews voir Mille Bâbords 15491

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Vos commentaires

  • Le 19 novembre 2010 à 08:47, par Christiane En réponse à : La Turquie, le Conseil de l’Europe, et la tolérance

    http://collectifvan.org/article.php...

    Pour mémoire :

    Depuis des décennies, l’Etat turc viole au quotidien les droits des minorités kurde, arménienne, grecque, assyro-chaldéenne-syriaque, alévie et poursuit les démocrates qui luttent pour la reconnaissance des génocides perpétrés sur son sol.

    Le 10 août 2010, la Turquie a jeté en prison l’écrivain et défenseur des droits de l’homme turco-allemand, Doğan Akhanlı, de retour d’Allemagne après un exil de près de 20 ans.

    Le 14 septembre 2010, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la Turquie pour avoir manqué à son devoir de protéger la vie et la liberté d’expression du journaliste arménien Hrant Dink, assassiné à Istanbul le 19 janvier 2007 (Ogun Samast, l’assassin présumé de Dink va d’ailleurs être libéré sous peu après une parodie de procès).

    Les journalistes de Turquie font face actuellement à une répression accrue, et se voient traîner devant les tribunaux, sur des accusations ubuesques susceptibles de déboucher sur de lourdes peines de prison : le journaliste d’investigation Ismail Saymaz risque jusqu’à 95 ans d’emprisonnement pour 12 procès.

    Les opposants kurdes sont dans la ligne de mire également.
    Le 18 octobre 2010 s’est ouvert à Diyarbakir, un procès qui va juger 151 personnalités kurdes, parmi les 1.500 prévenus qui croupissent, certain(e)s depuis 18 mois, dans les geôles turques.

    C’est, depuis les purges staliniennes, le plus grand procès politique en Europe : il fait suite au succès kurde obtenu lors des élections locales et régionales de mars 2009. Abdullah Demirbas, le Maire de Sur (arrondissement de Diyarbakir) risque 153 ans de prison. Avec lui, sont jugés 41 femmes et 110 hommes : outre 3 anciens députés du DEP, 25 maires, et de nombreuses personnalités kurdes de premier plan, est également jugée Leyla Güven, Maire de Viranşehir, et membre du Conseil de l’Europe…

  • Le 21 novembre 2010 à 23:34, par Christiane En réponse à : Un nouveau journal suspendu par la justice turque

    21 Novembre 2010

    Le 11e cour d’assises d’Istanbul a décidé le 21 novembre la suspension du journal hebdomadaire "Devrimci Demokrasi" (Démocratie révolutionnaire) pendant un mois pour propagande en faveur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et du Parti-Front de libération du peuple révolutionnaire (DHKP-C).

    Au moins cinq journaux se sont vus réduit en silence depuis le 1e janvier. La justice turque a ordonné la fermeture de 42 journaux en 2009, dont dix décisions contre 27 journaux et quinze pour 7 revues, selon le rapport de la fondation turque des droits de l’homme TIHV. Outre les journaux, une chaine de télévision suspendue deux fois, 11 bureaux des journaux fermés, 3 chaines de télévisions et 2 radios perquisitionnés au cours de la même année.

    Par ailleurs, 10 journalistes d’Azadiya Welat, premier quotidien en langue kurde, 5 journalistes de l’agence Dicle (kurde), 2 journalistes du journal İşçi Köylü (gauche) sont toujours en prison.

    La liberté d’expression sur Internet est aussi menacée en Turquie. Plus de 5 000 sites sont actuellement bloqués, notamment pour atteinte à la mémoire d’Atatürk, qui reste, avec l’armée, la question des minorités (kurde, arménienne) et la dignité de la nation, l’un des sujets tabous en Turquie.

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