XII. Hommage à la Malinche
Conclusion
« Les grandes entités terriennes de la mythologie sont immédiatement en relation avec le monde du chant par leurs noms : toutes sont “oreilles” (naka) parce que la terre, première pourvoyeuse de nourriture, “écoute” les demandes, les plaintes et les prières des hommes, qu’ils expriment bien sûr par les sacrifices et les offrandes mais aussi par leur propre corps, le chant et le pas martelé des danseurs. Nakawe, “oreille dressée” est la première des entités terriennes, “la plus vieille femme du monde”. La “grand-mère” n’a pas été engendrée. Elle est en effet le principe même de la vie en tant que croissance, sur terre comme dans tout l’univers… Nakawe a un compagnon, il est nommé Naürü et est la destruction pure. »
(Denis Lemaistre)
Vers 1640, 1641, l’évêque de Puebla, Juan de Palafox, relance le culte de la Vierge d’Ocotlán. Ocotlán est une colline qui domine la ville de Tlaxcala. Juan de Palafox est un évêque influent, il va même être nommé vice-roi par intérim en 1642, puis il sera archevêque de Mexico. Un chapelain est nommé et un véritable sanctuaire est désormais consacré à l’image de la Vierge. En relançant le culte de la Vierge, Juan de Palafox initie une politique religieuse offensive. Cette politique a un double objectif : le premier vise à réduire l’influence des ordres monastiques et en particulier des franciscains, qui, depuis leur couvent de Huamantla, entre Puebla et Tlaxcala, contrôlent un vaste territoire et continuent à faire ombrage à l’Église séculière. Cet objectif n’est pas sans rappeler le combat mené par Montúfar en 1556 : lui aussi s’était appuyé sur le culte populaire de l’image de la Vierge dans l’ermitage de Tepeyac pour tenter de limiter le poids des ordres mendiants. L’autre objectif est d’étendre l’influence de l’Église en direction des classes populaires en faisant quelques concessions sur la façon dont les gens appréhendent le religieux : culte de l’image, attente de miracles, attente d’une protection et d’une aide contre les malheurs du temps, d’une guérison… C’est aussi à cette époque que l’Église, ainsi que le signale Serge Gruzinski, lance sur les chemins des religieux thaumaturges dont elle fait, après leur mort, des « vénérables ». La relance du culte de la Vierge du Tepeyac près de la capitale comme celle de la Vierge d’Ocotlán près de Tlaxcala entrent dans le cadre, semble-t-il, d’une politique générale menée par l’Église ...