Une tribune pour les luttes

La lettre d’information du site "la voie du jaguar"

Cette lettre recense les nouveautés publiées depuis 14 jours

Article mis en ligne le dimanche 16 mai 2021

Nouveaux articles


** Dauphins ! **
15 mai, par SCI Galeano
Mai 2021

Ce fut un moment dramatique. Acculée entre des bouts de cordages et
le bastingage, la petite bestiole menaçait l’équipage de sa lance tout
en observant du coin de l’œil la mer déchaînée où elle était à l’affût
un kraken, de l’espèce "kraken escarabujos" — spécialisé dans la
consommation de scarabées. Alors, l’intrépide passager clandestin,
n’écoutant que son courage, leva ses multiples bras au ciel et sa
voix rugit, couvrant le bruit des vagues cognant contre la coque de
"La Montagne" :

"Ich bin der Stahlkäfer, der Größte, der Beste ! Beachtung ! Hör auf
meine Worte !" (Je suis le scarabée d’acier, le plus grand, le meilleur.
Attention ! Écoutez mes paroles !)

L’équipage s’arrêta net. Pas parce qu’un insecte schizophrène les avait
défiés avec un cure-dent et un couvercle en plastique. Ni parce qu’il
leur parlait en allemand. C’était parce qu’entendre leur langue
maternelle, après des années à n’entendre que l’espagnol tropical de
la côte, les avait transportés dans leur patrie comme par un étrange
enchantement.

Gabriela dira plus tard que l’allemand de la petite bestiole était plus
proche de celui d’un migrant iranien que du "Faust" de Goethe. Le
capitaine défendit le passager clandestin, affirmant que son allemand
était parfaitement compréhensible. (...)

https://lavoiedujaguar.net/Dauphins


** L’assemblée ouverte de la colline de Strefi
Éparpillement et déploiement d’une mobilisation athénienne naissante
(III) **

14 mai, par Luz Belirsiz

Ce texte fait suite à "Naissance d’une mobilisation athénienne.
L’assemblée ouverte de la colline de Strefi" et à "L’assemblée ouverte
de la colline de Strefi. Récit d’une mobilisation athénienne naissante".

13 mars. Ce samedi, nous sommes un poil plus nombreux que le précédent
(disons soixante-dix contre cinquante la dernière fois, toujours très
loin néanmoins des glorieuses assemblées du début qui ont pu réunir
trois cents à quatre cents personnes). Avec les événements de Nea Smyrni
durant la semaine et la perspective de manifestations de rue coordonnées
dans différents quartiers, certains piliers de l’assemblée, parmi les
plus jeunes, que j’avais vus pour la dernière fois à l’"action" du 28
février, sont de retour. Un peu chiffonnés sans doute par le souvenir
de l’envasement de l’assemblée précédente, on désigne cette fois un
"syndonistis" ("coordinateur", en l’occurrence une "syndonistria", car
c’est Eleni qui s’y colle) et on entreprend de faire un ordre du jour.

Y entrent pêle-mêle : demain ; l’organisation d’une manifestation devant
le siège de Prodea (l’entreprise immobilière à laquelle la mairie a
confié la réalisation d’études préliminaires pour le réaménagement de
Strefi) ; la pétition (dont les partisans ont emporté le morceau samedi
dernier) ; le problème de la baisse de la participation à l’assemblée ;
le bâtiment dit "Byzantino" (cantina abandonnée que quelques-uns ont
pris l’initiative d’ouvrir durant la fête du 28 février en vue de
l’occuper, mais tout le monde ne le sait pas encore) ; une présence
policière nouvelle observée sur la colline depuis la montée des tensions
à Nea Smyrni ; la suggestion acceptée en principe par l’assemblée de la
semaine dernière d’un appel à venir fêter le Kathari Deftera (le "lundi
propre") sur Strefi…
- https://lavoiedujaguar.net/L-assemblee-ouverte-de-la-colline-de-Strefi-Eparpillement-et-deploiement-d-une


** Contre le faux pardon et pour les autonomies **
13 mai, par CNI

Aujourd’hui, quand Andrés Manuel López Obrador demande pardon au peuple
maya, nous nous demandons : qu’est-ce qui vient avec ce "pardon" ?
D’un côté, il parle de demander pardon, mais de l’autre il fait comme
Porfirio Díaz à l’époque. Avec le pardon, il amène de grandes
entreprises, sources de pillage, d’accumulation pour quelques-uns et
de misère pour les peuples. Les militaires : agents de la violence et
des disparitions les plus cruelles de notre histoire récente. Le
développement : le progrès vu depuis l’Occident ; la richesse pour
quelques-uns ; un mode d’exploitation et de pillage qui privilégie la
mort et se perpétue depuis plus de cinq siècles, depuis la conquête de
ce qu’ils ont appelé les Amériques, qui est imposé et détruit d’autres
formes de vie, comme les nôtres, les peuples indigènes, les peuples
mayas que nous sommes. Le mal nommé Train maya, et de nombreux autres
grands projets, comme les industries immobilières et touristiques, les
parcs éoliens et photovoltaïques, les semences transgéniques et les
exploitations agricoles en sont les représentants.

À quoi sert-il de demander pardon aux peuples mayas quand celui qui
demande pardon représente, comme Porfirio Díaz, l’alliance déclarée
avec les grandes entreprises et les militaires, la poursuite de la
dévastation des forêts qui nous entourent et nous donnent la vie ; la
pollution des eaux que nous ne pouvons plus consommer ; la spoliation du
territoire que nous avons habité pendant des siècles et qu’ils veulent
nous arracher ; et la terrible exploitation de notre peuple maya par le
biais dudit "développement" qui nous rend esclave et nous tue. (...)
- https://lavoiedujaguar.net/Contre-le-faux-pardon-et-pour-les-autonomies


** Notes anthropologiques (LXI) **
12 mai, par Georges Lapierre

Signe des temps, les historiens s’intéressent désormais à l’activité
des échanges qu’ils tentent de saisir sous le concept, légèrement éculé,
d’économie, obéissant en cela à l’idéologie ambiante. Ils ouvrent ainsi
tout un pan de notre histoire qui était jusqu’à maintenant mal connu :
l’activité des échanges aux époques reculées. Afin d’appréhender les
différentes formes prises par les échanges et d’en marquer l’évolution,
ils se réfèrent volontiers à Karl Polanyi qui, dans ses livres comme "La
Grande Transformation" ou "La Subsistance de l’homme", a distingué trois
formes d’échange, les échanges fondés sur la réciprocité, ceux qui
reposent sur la répartition-distribution et enfin les échanges marchands
liés à la politique. Dans son dernier livre, intitulé "Histoire des
peuples d’Amérique", Carmen Bernand évoque, elle aussi, Polanyi avant de
faire une synthèse heureuse de nos connaissances concernant l’échange,
en convoquant des anthropologues comme Marcel Mauss ou Maurice Godelier.

Dans les "notes anthropologiques", je me suis intéressé, de mon côté,
aux échanges et aux différents modes pris par cette activité, j’ai
tenté, pour ma part, de faire ressortir le lien qui unit le pouvoir à
l’activité marchande (et, inversement, l’activité marchande au pouvoir).
Je me rends compte que la convergence entre mes vues et celles mises en
avant par Karl Polanyi est forte et que nous obéissons tous les deux aux
pressions d’une époque envahie par le commerce. Il est fort possible que
l’importance prise de nos jours par l’activité marchande rende visible
ce qui était jusqu’alors occulté : le lien qui relie l’activité
marchande à la naissance du pouvoir. Dans les notes qui suivent, je
vais marquer brièvement ce qui m’oppose à Polanyi. (...)
- https://lavoiedujaguar.net/Notes-anthropologiques-LXI


** Révoltes en Colombie
"Ils nous ont tellement pris
qu’ils nous ont même enlevé notre peur" **

9 mai, par Nadège Mazars

En Colombie, le retrait de la réforme fiscale à l’origine des
manifestations n’apaise en rien un peuple révolté par les exactions
des forces de l’ordre, qui ont tué au moins 37 personnes.

Sur la place Bolivar, dans le centre de la capitale colombienne, un
groupe de manifestants chante à tue-tête "Duque Ciao", en référence au
président Ivan Duque, sur l’air de la célèbre chanson révolutionnaire
italienne "Bella Ciao". C’est le huitième jour de mobilisation en
Colombie. Les marches se sont déroulées dans toutes les grandes villes
du pays. Pourtant, le projet de réforme fiscale, qui prévoyait entre
autres une hausse de la TVA sur des produits de première nécessité, a
été suspendu dimanche dernier par le président Ivan Duque. Alors que se
passe-t-il ? Une répression toujours plus grande qui a déjà fait des
dizaines de morts et des centaines de blessés. Et un pays au bord de
l’explosion depuis plusieurs mois.

Les situations de mobilisations sont multiples, se déroulant en
plusieurs points des villes, avec également des blocages sur les routes.
Étudiants, syndicalistes, transporteurs, mouvements autochtones, paysans
et afro-descendants se sont unis aux quatre coins du pays. Quand une
marche arrive dans le centre de Bogotá, une autre, à son extrême nord,
cherche à atteindre la maison du président Duque, située dans les beaux
quartiers. Les manifestants sont plutôt jeunes. Aux fenêtres, au passage
des cortèges, de moins jeunes se montrent pour entamer des "cacerolazos"
(concert de casseroles) et encourager les marcheurs. Cali, troisième
ville du pays, est l’épicentre du mouvement. C’est aussi l’endroit où la
répression s’est abattue le plus violemment, notamment la nuit, dans les
quartiers populaires, quand la police débute ses rondes. (...)
- https://lavoiedujaguar.net/Revoltes-en-Colombie-Ils-nous-ont-tellement-pris-qu-ils-nous-ont-meme-enleve


** Sur la mer **
8 mai, par SCI Galeano

Mai 2021

Pensant à ses passagers, comme il se doit, le capitaine Ludwig a
recommandé de partir dans l’après-midi du 2. La houle prévue pour le
3 allait faire souffrir sans nécessité les marin·e·s novices. C’est
pourquoi le capitaine a proposé d’avancer le départ à 16 heures le
deuxième jour du cinquième mois.

Le sous-commandant insurgé Moisés l’a écouté attentivement et a été
d’accord. Ainsi, par ces temps où on a coutume d’utiliser le mot
"historique" pour tout et n’importe quoi, c’est la première fois que
le zapatisme effectue quelque chose de programmé plus tôt que prévu
(en général, on traîne et on commence en retard). Ergo : c’est quelque
chose d’historique dans le zapatisme.

L’Escadron 421 est donc parti le 2 mai 2021 à 16 h 11’30’’. Voici deux
rapports différents sur la même étape de la navigation.

Rapport de l’Escadron 421 au Haut Commandement zapatiste :
Itinéraire du navire La Montagne. Les heures indiquées correspondent à
l’horaire officiel de Mexico (UTC -5).

2 mai 2021. À 16 h 11’30’’, La Montagne a commencé son voyage à une
vitesse d’environ 4 nœuds (1 nœud = 1,852 km/h). À 16 h 21’30’’, elle a
mis le cap au sud-sud-est et à 17 h 23’04’’, La Montagne a commencé à
virer légèrement à l’est. (...)
- https://lavoiedujaguar.net/Sur-la-mer


** Vivre et en finir avec le mépris de la vie **
4 mai, par Raoul Vaneigem

Retour parodique au passé

Le crime contre l’humanité est l’acte fondateur d’un système économique
qui exploite l’homme et la nature. Le cours millénaire et sanglant de
notre histoire le confirme. Après avoir atteint des sommets avec le
nazisme et le stalinisme, la barbarie a recouvré ses falbalas
démocratiques. De nos jours, elle stagne et, refluant comme un ressac
dans une passe sans issue, elle se répète sous une forme parodique.

C’est ce ressassement caricatural que les gestionnaires du présent
s’emploient à mettre en scène. On les voit nous convier benoîtement au
spectacle d’un délabrement universel où s’entremêlent goulag sanitaire,
chasse à l’étranger, mise à mort des vieux et des inutiles, destruction
des espèces, étouffement des consciences, temps militarisé du
couvre-feu, fabrique de l’ignorance, exhortation au sacrifice,
au puritanisme, à la délation, à la culpabilisation.

L’incompétence des scénaristes attitrés ne diminue en rien l’attrait des
foules pour la malédiction contemplative du désastre. Au contraire !
Des millions de créatures rentrent docilement à la niche où elles se
recroquevillent jusqu’à devenir l’ombre d’elles-mêmes.

Les gestionnaires du profit sont arrivés à ce résultat auquel seule une
réification absolue aurait pu prétendre : ils ont fait de nous des êtres
apeurés par la mort au point de renoncer à la vie. (...)
- https://lavoiedujaguar.net/Vivre-et-en-finir-avec-le-mepris-de-la-vie


** Du bloc-notes du Chat-Chien
L’abordage **

3 mai, par SCI Galeano

"La Montagne" a été abordée le 30 avril 2021, à une heure donnée.
Le navire était ancré à environ cinquante brasses du port, "loin de
l’agitation / et de la fausse société". Autour de lui voletaient les
mouettes rieuses, cormorans, frégates superbes, ibis rouges et même un
candide colibri, perdu, cherchait à faire son nid dans le bastingage de
proue. Contre la coque, sous la ligne de flottaison, des dauphins à nez
de bouteille tambourinaient une cumbia, un requin-baleine marquait le
rythme avec ses nageoires et la raie manta déployait ses ailes noires
comme des hanches volantes.

Le groupe de boucaniers était mené par le sous-commandant insurgé Moisés
qui, avec une troupe formée d’une insurgée "tercia", d’un insurgé
chauffeurologue et mécanicien, d’un membre des bases de soutien
chauffeurologue, de cinq "terci@s", d’une commandante et de deux
commandants, était venu dire au revoir à la délégation maritime,
l’Escadron 421, et vérifier sur place que l’embarcation disposait
du nécessaire pour l’épopée nautique. Une équipe de soutien de la
Commission "Sexta" était présente pour rédiger les nécrologies des
morts au combat.

Il n’y eut aucune résistance de la part de l’équipage. De fait, le
capitaine avait ordonné qu’on hisse, en guise de misaine, une grande
banderole avec l’image qui identifie la délégation maritime zapatiste,
agrégeant ainsi "La Montagne", équipage inclus, à la lutte pour la vie.
Sur le gréement nu, le symbole du délire zapatiste brillait et
scintillait avec impétuosité. (...)
- https://lavoiedujaguar.net/Du-bloc-notes-du-Chat-Chien-L-abordage


LA VOIE DU JAGUAR • informations et correspondance pour l’autonomie individuelle et collective • lavoiedujaguar chez riseup.net • http://lavoiedujaguar.net

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