Monsieur le Ministre,
Après les évacuations des squats du 113 et 115 Canebière, vous avez été interpelé alors que vous étiez de passage à Marseille par des jeunes en recours du collectif 113. Vous avez su entendre leur demande et constater l’impasse dans laquelle ils se trouvaient : leur minorité étant contestée par le Département, celui-ci n’est pas légalement tenu de les prendre en charge jusqu’à ce qu’ils soient confiés à l’ASE par un Juge des Enfants, or rien n’est prévu dans l’attente de cette décision judiciaire et les jeunes sont mis à la rue.
Sous votre impulsion, une réunion avec les jeunes du collectif, les solidaires qui les soutiennent et les institutions concernées (Préfecture, Mairie, Département) ont pour la première fois été organisées pour élaborer un dispositif de prise en charge spécifique en tenant compte du fait que les jeunes ne peuvent relever de centres d’hébergement d’urgence pour adultes.
Si cette première rencontre laisse espérer qu’un tel dispositif pourrait voir le jour dans les mois à venir, rien de satisfaisant n’est proposé dans l’attente de celui-ci. C’est pourquoi après avoir campé sous le kiosque Léon Blum, les jeunes du collectif 113 ont trouvé refuge dans un bâtiment situé au 68 rue Saint-Ferréol. Depuis trois semaines, ils avaient pu retourner à l’école et reprendre une vie « presque » normale. Certains sont d’ailleurs passés devant le Juge des enfants, ont obtenu une mesure de placement et ont ainsi été confiés au Département...
Seulement, la Préfecture vient d’annoncer l’expulsion de ce bâtiment mardi prochain alors même que les jeunes ont formé, avec l’aide de leurs avocat·es, une demande de délai devant la juridiction compétente (JEX) et qu’une audience est fixée le 15 novembre prochain, à 15h. Cette demande se fonde sur les démarches individuelles que chacun met en œuvre pour faire valoir sa minorité et sur les processus collectifs pour mettre en place un dispositif adapté aux jeunes en recours.
Cette décision d’expulsion d’un bâtiment vide depuis des années n’a aucune autre justification qu’empêcher à la juridiction compétente d’examiner leur demande de délai. Elle ne tient aucun compte de l’intérêt supérieur des mineurs, pourtant consacré à l’article 3-1 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant - dont l’anniversaire aura lieu, dans un mois, le 20 novembre prochain.
Les fausses solutions de prises en charge pour adultes dans des structures de droits communs (hôtels sans accompagnement ni possibilité de faire à manger ou foyer d’hébergement d’urgence sans accueil de jour) sont totalement inadaptées pour des personnes jeunes, isolées et vulnérables et sont incompatibles avec la poursuite de leur scolarité.Dans l’immédiat, nous sollicitons votre intervention auprès du Préfet pour laisser le temps à la juridiction d’examiner notre demande de délai afin de permettre aux institutions de poursuivre le travail impulsé à votre demande.
Nous voulons :
L’ouverture de places pour les jeunes en recours le temps de la décision définitive du Juge seul compétent.
L’inscription dans la loi de la présomption de minorité.
Un accueil digne et un accompagnement socio-éducatif adapté aux besoins d’un public jeune et profondément fragilisé par sa situation d’exil.