Une tribune pour les luttes

10 ans après la mort de Clément Méric, un antifascisme plus que vital

Article mis en ligne le jeudi 1er juin 2023

Cela fait maintenant 10 ans que notre camarade antifasciste et syndicaliste Clément Méric s’est fait assassiner par un nervis d’extrême droite. Il y a 10 ans, notre camarade rentrait dans la liste longue et encore ouverte des victimes du fascisme. Et pourtant 10 ans après, force est de constater que l’antifascisme reste toujours aussi nécessaire.

L’extrême droite en roue libre

Ces dernières années, la montée de l’extrême droite est un fait politique de premier plan. On le voit évidemment dans les urnes, avec le passage au deuxième tour du FN/RN et ses 88 sièges au parlement, ainsi que l’arrivée de Reconquête dans une autre mesure, mais aussi la reprise de leurs idées et concepts dans un large spectre de partis politiques, y compris se réclamant « progressistes ».

On observe aussi cette montée dans les faits de violence perpétrés par divers groupes fascistes, nationalistes identitaires, royalistes ou néo-nazis. Sans en faire une liste exhaustive nous ne pouvons pas passer à côté du meurtre de Federico Martin Aramburu l’année dernière par Loïc le Priol, ancien cador de l’organisation étudiante GUD. GUD qui d’ailleurs depuis quelques mois refait surface dans les rues de Paris. Récemment encore, l’extrême droite s’est rendue responsable d’un incendie de voiture au domicile du maire de la ville de Saint Brévin, où un Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile est en construction. Un autre fait marquant a été la ratonnade conduite dans plusieurs villes lors du match France-Maroc pendant la coupe du monde, entre bien d’autres attaques à caractère raciste. Ajoutons à cela toutes et tous nos camarades, syndicalistes, militants et militantes du mouvement social, qui se font presque chaque semaine agresser physiquement, dégrader leurs locaux, attaquer leurs piquets de grève, etc. La montée de la peste brune ne devrait plus être à démontrer.

La réponse hypocrite de l’État

Face à cela la réponse de l’État et du gouvernement de Macron est plus qu’hypocrite. D’abord il ne dénonce l’extrême droite que par un miroir grossier avec « l’extrême gauche ». Toute personne qui se mobilisent en dépassant un peu le cadre permis par l’État sécuritaire se voit donc comparer dans un relativisme absurde au pire des néo-nazis. Alors que le premier danger terroriste en occident vient de l’extrême droite, on entend tous les jours des allégations toujours plus choquantes du ministre de l’intérieur fustigeant par exemple « l’éco-terrorisme ». Ce gouvernement s’est par ailleurs lancé dans un concours de gros bras avec l’extrême droite, jugeant le FN/RN devenu trop mou et sortant du chapeau tous les 2 mois un projet de loi plus sécuritaire ou plus xénophobe. Il en ressort que le gouvernement est partie prenante, avec certains médias qui lui sont proche, de la normalisation de l’extrême droite. Ainsi on a vu à Saint Brévin des policiers protéger et escorter les nervis nationalistes (à peine un mois après l’incendie au domicile du maire). D’ailleurs l’État a attendu la démission du maire de la commune pour commencer à se prononcer sur la protection de ce dernier. Pareillement, nous attendons toujours une réponse du ministère des sports quant à l’assassinat de Federico Martin Aramburu, rugbyman professionnel, et du ministère de l’éducation sur les cas de plus en plus récurrents de harcèlement du personnel enseignant lors de projets sur les conditions de personnes exilées.

Mais surtout l’extrême droite constitue pour le gouvernement une carte joker lorsqu’il est en difficulté. Déjà pendant les élections il parait clair que la stratégie de Macron était de se retrouver face à Marine Le Pen pour pouvoir bénéficier d’un vote barrage. Après avoir laissé faire la manifestation d’avril de Saint Brévin alors qu’elle constituait indéniablement un risque de trouble et de violence, le gouvernement ayant interdit (ou tenté d’interdire) des manifestations contre la réforme des retraites, pense calmer le jeu en s’entre-émouvant d’une marche néo-fasciste en plein Paris juste avant la date du 8 mai célébrant la victoire contre les nazis. Le gouvernement essaye-t-il de créer une union nationale de façade pour faire oublier sa réforme ?

Le FN/RN qui joue la confusion

Dans tout cela, le FN/RN joue toutes ses cartes pour semer la confusion et avancer dans son entreprise de normalisation. Similairement au gouvernement, le FN/RN dénonce maintenant « l’ultradroite » au même titre que « l’ultragauche » (qui irait de la France insoumise aux groupes autonomes). Dans un jeu nauséabond de rhétorique, le FN/RN appelle à « ne pas faire l’amalgame » entre son parti et des groupuscules néo-fascistes, reprenant ainsi le mot d’ordre lancé contre les discours racistes qui voulaient rendre responsables toutes les personnes musulmanes des attentats islamistes. Pourtant l’histoire du FN/RN n’a rien d’autonome par rapport à ces groupuscules. Dans sa création même, le Front National était pensé comme une vitrine institutionnelle pour différents mouvements néo-fascistes, en premier lieu Ordre Nouveau. La « dédiabolisation » ne date donc pas d’hier. C’est lors d’une manifestation organisée par le FN le 1er mai 1995 que Brahim Bouaram fut noyé par des militants d’extrême droite, c’est par des colleurs d’affiches du FN qu’Ibrahim Ali fut assassiné la même année. Plus récemment, lors de l’annonce de démission du maire de Saint Brévin, lorsque l’Assemblée nationale se levait en soutien à l’édile, le RN resta solidement collé à son siège. Pareillement, lors de la manifestation néo-fasciste à Paris fut notable la présence d’Axel Loustau et Olivier Duguet, deux anciens trésoriers du micro parti de Marine Le Pen, stratégiquement tenus à l’écart du FN/RN. Cela dit la société détenue en partie par Loustau était encore en 2022 sollicitée par le FN/RN pour la campagne numérique du parti, encore un « détail »

Notre antifascisme social et unitaire

Depuis 1990 avec Ras le Front puis VISA, nous prônons un antifascisme social et unitaire. Encore aujourd’hui, l’extrême droite est aux portes du pouvoir et notre combat reste de premier ordre. 10 ans après la mort de notre camarade Clément, la nécessité d’une riposte n’a cessé de grandir. Cette riposte doit être massive, et dans ce combat nous pensons que les syndicats doivent continuer à prendre toute leur part. Car l’antifascisme est l’affaire de toutes et tous, elle est celui des organisations de masses et de classes. L’idéologie portées par l’extrême droite est aux antipodes des idéaux de solidarité et de progrès social de nos organisations syndicales. Nous, syndicalistes, avons une responsabilité particulière pour combattre le venin raciste, sexiste, homophobe et antisyndical de l’extrême droite, et dénoncer les pseudos solutions du FN/RN. Ce combat syndical antifasciste doit être pris en charge par toutes les organisations syndicales, de la base au sommet et, autant que possible, dans l’unité la plus large. C’est pour tout cela que VISA organise cette année des Rencontres Syndicales Antifascistes le 17 juin à Paris afin de permettre un échange de pratiques et de vécus pour renforcer nos organisations dans ce combat.

Pour Clément, Federico, Brahim, Ibrahim et tous les autres, pour nos luttes, pour nous toutes et tous, face à l’extrême droite, ni oubli, ni pardon.

VISA, le 30 mai 2023

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