Paris - 25 janvier 2008
L’Assemblée Nationale a adopté un texte sur la « rétention de sûreté » qui viole les principes fondamentaux du droit pénal et les engagements internationaux de la France. Cette nouvelle mesure est en réalité une véritable peine privative de liberté, qui s’applique sans que de nouveaux crimes ou délits aient été commis, remettant ainsi en cause l’autorité de la chose jugée.
Le Sénat examine en séance publique le projet de loi sur la rétention de sûreté les 30, 31 janvier et 1er février 2008, projet qui fait l’objet d’une procédure d’urgence déclarée, il peut donc être très rapidement adopté.
Le Syndicat des Avocats de France estime que l’instauration de la rétention de sûreté et sa rétroactivité font basculer l’état de droit démocratique vers une norme juridique totalitaire.
Il dénonce cette grave dérive de la démocratie qui met en œuvre une peine préventive indéterminée et rétroactive au seul motif d’une "probabilité très élevée" de réitération d’une infraction.
Le caractère indéterminé de cette mesure viole le principe de légalité des délits et des peines.
Son caractère préventif viole le principe de responsabilité pénale.
En la déclarant applicable aux condamnés exécutant actuellement une peine prononcée antérieurement à son entrée en vigueur, elle viole le principe de non-rétroactivité de la loi pénale, ce qui ne s’était pas vu depuis le régime de Vichy.
Le Syndicat des Avocats de France appelle la représentation nationale à mesurer les conséquences de cette dérive gravissime bafouant les principes les plus fondamentaux de la démocratie et les engagements internationaux d’un pays qui se prétend "la Patrie des Droits de l’Homme".
Le Syndicat des Avocats de France participe à la conférence de presse organisée le 30 janvier 2008 avec le SM, le GENEPI et le SNES FSU à 11 heures à la Maison des Initiatives Etudiantes (50 rue des Tournelles, 75003 Paris - métro Bastille).
Le même jour à 14 heures, le Syndicat des Avocats de France appelle ceux qui souhaitent manifester leur indignation et leur volonté de s’opposer à cette nouvelle atteinte aux principes démocratiques à un rassemblement Place de la Sorbonne.
_* Le SAF est signataire de la pétition initiée par le SM, le GENEPI et le SNEPAP-FSU. Le texte est proposé à la signature de chacun sur
www.contrelaretentiondesurete.fr
Marseille
L’appel lancé fin décembre contre le projet de loi de rétention de sûreté a recueilli aujourd’hui plus de 10 000 signatures de particuliers et cent organisations syndicales, associatives, politiques, de toutes sensibilités et objets différents, s’y sont associées
(www.contrelaretentiondesurete.fr).
Le Syndicat de la Magistrature, le Snepap-FSU, le GENEPI (Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées), la Ligue des Droits de l’Homme et le Syndicat des Avocats de France,
vous invitent
à une Conférence de Presse
Pour dénoncer le projet de loi dit de « RETENTION DE SURETE »[1]
qui instaurerait un enfermement à vie sur une simple présomption de dangerosité.
Le 30 janvier à 11h
Cité des Associations – Salle Phocéa
93, La Canebière
à MARSEILLE
contact : Sarah Camous, 06 79 61 09 95, paca chez genepi.fr
[1] Le Projet de Loi est soumis au Sénat le 30 janvier
Pétition déjà signée par plus de 10000 personnes :
Refusons l’instauration d’un enfermement sans fin sur une simple présomption de dangerosité !
« Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre ».* Thomas Jefferson
Le Parlement s’apprête à examiner un projet de loi visant à instaurer une « rétention de sûreté » qui permettra, après l’exécution de la peine de prison, de prolonger - sans limitation de durée, sans peine et sans infraction – l’enfermement des personnes considérées comme d’une « particulière dangerosité ».
La mise en place d’un tel dispositif, préparé à la hâte à la suite de l’affaire Evrard, relève d’une philosophie de l’enfermement qui s’inscrit dans la culture du « risque zéro » qui, sous prétexte de lutter contre la récidive, impose, depuis plusieurs années, des législations de plus en plus répressives et attentatoires aux libertés publiques.
Il ne s’agit plus simplement de durcir les sanctions ou de renforcer les moyens de contrainte, mais de procéder à des enfermements préventifs, sur la base d’une présomption d’infraction future et dans une logique d’élimination qui s’apparente à une mort sociale.
Actuellement circonscrit aux infractions les plus graves commises sur les mineurs, ce texte, comme la plupart des dispositifs répressifs, est susceptible d’extensions au gré des faits divers du moment.
L’appréciation de la dangerosité n’est par ailleurs fondée sur aucune évaluation sérieuse mais sur une simple expertise psychiatrique, ce qui procède d’une grave confusion entre délinquance et maladie mentale. L’évaluation de la dangerosité ne relève donc pas du diagnostic mais du pronostic.
En refusant de porter les efforts humains et financiers sur le temps de la peine, ce texte fait le choix de ne pas améliorer la prise en charge durant l’incarcération.
Si ce texte est adopté, la France se dotera d’un dispositif sans équivalent dans les démocraties occidentales car, contrairement à ce que le gouvernement veut laisser croire, rien de comparable n’existe en Europe (aux Pays Bas et en Belgique, ce type d’enfermement n’intervient qu’en substitution à la peine).
Aujourd’hui, avec une mesure comparable et au prétexte d’une dangerosité sociale, la Russie enferme des journalistes dans des établissements psychiatriques.
Dans un rapport d’information sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses (2006), les sénateurs Philippe Goujon et Charles Gautier indiquaient que « s’il est indispensable de limiter le plus possible le risque de récidive, celui-ci ne peut être dans une société de droit, respectueuse des libertés individuelles, complètement éliminé. Le « risque zéro » n’existe pas. »
Nous ne pouvons accepter un modèle de société qui sacrifie nos libertés au profit d’un objectif illusoire de « risque zéro ».
Nous appelons les parlementaires à refuser de voter ce texte indigne.
* : “Those who would give up Essential Liberty to purchase a little Temporary Safety, deserve neither Liberty nor Safety” peut se traduire également par : « Ceux qui sont prêts à sacrifier une liberté essentielle pour acheter une sûreté passagère, ne méritent ni l’une ni l’autre » La paternité de cette phrase semble être disputée entre Thomas Jefferson et Benjamin Franklin