Tiré du monde.fr
L’article de Philippe Ridet dans son intégralité :
http://www.lemonde.fr/international/article/2014/11/21/en-italie-3000-victimes-de-l-amiante-et-plus-de-coupables_4527112_3210.html
Un procès s’est éteint, un autre commencera peut-être. Le procureur général Raffaele Guariniello a achevé, jeudi 20 novembre, une nouvelle enquête à l’encontre de l’industriel suisse Stephan Schmidheiny, ex-propriétaire de l’entreprise d’amiante Eternit Suisse et ancien actionnaire d’Eternit Italie. Le magistrat l’accuse d’« homicide volontaire » pour la mort, à partir de 1989, de 256 personnes décédées d’asbestose (fibrose pulmonaire) ou de mésothéliome (cancer de la plèvre) après avoir été au contact de particules d’amiante à Casale Monferrato, Cavagnolo, Rubeira et Bagnoli, les sites où Eternit avait implanté ses usines. « Je n’abandonne pas », a lancé le juge Guariniello.
La veille pourtant, c’est un coup de massue qui s’était abattu sur lui et les familles des victimes de l’amiante. Mercredi, la Cour de cassation a écrit le mot « fin » à un premier procès, concernant environ 3 000 personnes, ruinant ainsi près de vingt ans d’enquête et d’espoir. Par son importance, le nombre des parties civiles (près de 5 000), et son retentissement hors de l’Italie, cette procédure ouverte en 2004 a souvent été comparée aux maxi-procès contre la Mafia. Elle aussi devait être exemplaire et marquer un tournant. Il n’en a rien été.
Condamné en 2012 à seize ans de prison pour « catastrophe environnementale », peine alourdie en appel à dix-huit ans et à 89 millions d’euros de dommages et intérêts, M. Schmidheiny a été tout simplement acquitté mercredi. Un autre industriel, le baron Jean-Louis Marie Ghislain de Cartier de Marchienne, ancien actionnaire belge de la branche italienne de l’entreprise, avait également été lourdement condamné en première instance. Mais les poursuites à son encontre se sont éteintes suite à son décès en 2013, à 91 ans.
Vive émotion
En l’absence de législation spécifique, l’avocat général de la première chambre pénale de la Cour suprême italienne, Francesco Mauro Iacoviello, a estimé que les faits incriminés étaient prescrits depuis 1998, soit douze ans après la fermeture des établissements Eternit en Italie. « Il arrive que le droit et la justice prennent des directions opposées, mais les magistrats n’ont pas d’alternative : ils doivent suivre le droit », a-t-il déclaré. Jeudi, devant l’émotion suscitée par ce verdict, la Cour a précisé : « L’objet du procès était exclusivement de démontrer ou non l’existence d’une catastrophe environnementale et non pas de juger les décès et les pathologies dont la Cour ne s’est pas occupée. »