C’était le 9 janvier 2013, un mercredi. Ce jour-là, trois militantes kurdes, Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, ont été froidement assassinées, en plein jour, au coeur de Paris, par un agent du service de renseignement turc (MIT). 10 ans après, l’horreur, la tristesse et la colère restent toujours vivantes dans le coeur et la mémoire des Kurdes et de leurs amis. Ce ne sont pas seulement la France et sa communauté kurde qui ont été touchées par ce crime terroriste, mais un peuple de 50 millions de Kurdes, dispersés dans les quatre coins du monde.
10 ans après, c’est aussi et surtout le sentiment d’impunité qui règne, le sentiment que la France cherche à jeter aux oubliettes ce crime politique, comme tant d’autres qui jalonnent son histoire contemporaine. Le lendemain du massacre, le ministre de l’intérieur de l’époque a paradé sur les lieux du crime et signifié aux médias l’engagement de la France à faire toute la lumière sur cette affaire.
Cependant, durant ces 10 longues années, l’État français n’a pas fait ce qui lui incombait pour faciliter les investigations et le travail de la justice. Au delà d’une simple affaire judiciaire, il s’agit là d’un crime terroriste dans lequel sont impliqués les services d’un État étranger, comme le confirme le réquisitoire du Procureur de la République : « de nombreux éléments de la procédure permettent de suspecter l’implication du MIT dans l’instigation et la préparation des assassinats. »
Sollicité à plusieurs reprises par les juges d’instruction pour la déclassification des informations détenues par les différents services de renseignements français concernant cette affaire, les gouvernements français successifs ont toujours opposé le secret-défense. En refusant de lever le secret-défense, la France commet un déni de justice et entretient l’impunité d’un crime politique et terroriste. La mort de l’assassin présumé, Ömer Güney, n’y change rien, puisque les commanditaires sont toujours vivants.
Durant ces dix années, les autorités françaises n’ont même pas eu la décence de recevoir les familles des victimes ni les organisations kurdes, contrairement à ce qu’aurait requis un crime terroriste de cette nature commis en France.
Pourquoi l’État français protège-t-il les commanditaires du triple assassinat en maintenant le secret-défense avec insistance ? À quel point les services français étaient-ils informés de la préparation de ces assassinats ? Qu’est-ce que l’État français tente de dissimuler avec le secret-défense ? Autant de questions que se posent les 50 millions de Kurdes et l’opinion publique française et internationale.
Pour les Kurdes, l’État français restera coupable tant qu’il refusera de déclassifier les documents détenus par ses services.
C’est pourquoi, nous appelons, avant tout, les citoyennes et citoyens français à se joindre à nous dans la grande marche du 7 janvier 2023 afin de revendiquer haut et fort la justice et exiger la levée du secret-défense qui bloque l’instruction judiciaire.
Nous appelons par ailleurs les élus de la République, de quelque bord qu’ils soient, à se joindre à notre manifestation avec leur écharpe tricolore afin de revendiquer la justice et de mettre fin à cette impunité qui menace l’honneur de la France.
En outre, nous appelons les défenseurs de la justice, les avocats, à se joindre à la manifestation avec leur robe afin de symboliser la primauté du droit et de revendiquer la justice aux côtés des familles des victimes et de milliers d’autres manifestants.
Enfin, nous demandons aux organisations politiques, syndicales et associatives de nous rejoindre pour porter haut nos voix et notre quête de justice.
La France doit lever le secret-défense et faire tout le nécessaire pour résoudre l’affaire du triple assassinat.