Une tribune pour les luttes

Des dizaines d’expulsions de sans-papiers par semaine , y compris des parents d’enfants

Impressions d’audiences au Tribunal du Centre de Rétention de Marseille

Article mis en ligne le samedi 30 juin 2007

Vous trouverez ci dessous un récit qui n’a rien d’original d’un militant du
RESF13. Il est même probablement banal pour qui se rend régulièrement dans
les salles d’audiences JLD et TA.

Quotidiennement à Marseille, des militants de l’UCIJ 13 sont présents au
TGI situé depuis 2006 à l’intérieur même du centre de rétention. C’est dire
si nous commençons à être habitués de ce genre de récit.
Pour autant, parce que nous ne somme pas blasés de tout loin s’en faut, il
est important de les faire circuler notamment pour l’ensemble des personnes
qui se sont rapprochées du RESF ces dernières semaines après les élections.

Et n’oublions pas non plus les mauvaises nouvelles locales :

après plusieurs tentatives
d’expulsion mises en échec, l’acharnement de la préfecture, y compris après
le délai légal de fin de rétention, a permis que trois familles, 9 enfants en
tout, se retrouvent sans père et ce dans un délai record d’une semaine.

Bravo à tous les travailleurs zélés, fonctionnaires ou autres, qui
contribuent à l’explosion de ces familles.

Une audience du tribunal du centre de rétention du Canet avec les Juges des libertés et de la détention.

Mardi 19 juin, à l’arrivée, les visites attendent, les policiers ayant
indiqué qu’il fallait attendre.

Vers 10:00 h. les cris des expulsés que
l’on enferme dans les cages des fourgons alertent. Une dizaine de
personnes dehors par crainte des "représailles" des policiers sont là
consternés. Certains ont reconnu l’un de leur famille et lance son nom.

Les fourgons s’en vont et tout le monde visiteurs et auditeurs du
tribunal sont maintenus pendant une demi-heure : attendez. Mais il est
10:45, donc trop tard pour les visites !!!

Nous sommes 7 dans la salle et nous ne verrons que deux marocains, car
l’audience s’est tenue sans public.

Tous deux resteront au Canet. Nous
ne saurons rien d’autre du premier.

Pour le second, Mr M., après un contrôle dans le train par la SNCF -
merci les contrôleurs - a présenté une carte de la SNCF établi au nom de
son frère. Sur plainte de la SNCF et ce qui s’ensuit, il a été placé
sous contrôle judiciaire et doit pointer deux fois par semaine au
commissariat d’Avignon, qui, bien sûr, a conservé son passeport.
Le représentant du Préfet : Je demande son maintien au Canet car il n’a
pas de passeport.

L’avocate est interdite et ne comprend pas : mais puisque vous avez le
papier comme quoi il est sous contrôle judiciaire, son passeport est au
commissariat.

La juge : Pas de passeport, maintien au CRA !


Jeudi 21 juin, 15 personnes : 10 tunisiens, 1 marocain, 1 algérien, 2
kurdes, 1 centrafricain.

Trois cas significatifs :

- Mr H. tunisien travaille (déclaré) depuis 2004 avec une carte de
résident achetée.

La juge : vous avez de la chance (!). Le procureur ne
vous a pas poursuivi et "a préféré" la voie administrative.
Pardi, ainsi il n’a pas pu se défendre sur le fond. Il restera au Canet.

- 8 tunisiens (de 24 à 30 ans et l’un de 49 ans) ont été arrêtés sur
demande de la directrice d’un foyer SONACOTRA. Ils sont sans papiers.

L’avocate a beau soulever le fait qu’il leur a fallu 3 heures et demi
pour venir de Cagnes. Rien n’y fait. Ils seront renvoyés en Tunisie.

C’est une affaire dont il faudra reparler, car la manoeuvre est encore
pire que la convocation par la police ou la mairie.

- les deux personnes d’origine kurde craignent de retourner en Turquie
pour des raisons politiques. Ils ont demandé l’asile, effectué des
recours. Le premier dit à l’audience être finalement d’accord de
repartir puisqu’il y est contraint, alors qu’il a dit le contraire aux
policiers qui l’ont consigné dans le PV de garde à vue.
Le réprésentant du préfet : "c’est une déclaration de circonstance (!)
et Mr D. fait des recours abusifs" (!!). L’avocat fait tout de même
observer que c’est le droit de tout justiciable. La juge le maintient en
rétention.


Vendredi 22. Une juge jamais vue n’arrête pas de
plaisanter avec la représentante du Préfet et s’est montré d’une
sévérité remarquable avec des réflexions inadmissibles (à quand des
greffiers qui enregistreront toutes les vilénies qui se prononcent ?).

11 personnes : 4 algériens, 3 marocain, 1 mongole, 1 tunisien, 1
palestinien, 1 kurde.

Une fois encore (car ce n’est pas la première fois), l’avocat de
permanence pour 5 personnes, se croit obligé non seulement de se
substituer au procureur, pardon à la représentante de la Préfecture,
mais prend à parti les personnes. C’est stupéfiant. Ainsi : "Il vient de
changer de nationalité à l’audience. Il est incohérent par rapport à sa
condamnation. La Préfecture subit cet individu ...". Dans ces
conditions, tous algériens ou marocains seront maintenus en rétention.

- Merci encore la SNCF, Mr E. a traversé une voie à St Charles ...

- Mr A. est centrafricain. La famille a été dispersée par les combats.
Il a bien entendu éparpillé ses papiers. Il a fait demande d’asile,
rejet, puis recours rejeté et cela à diverses reprises. Au Canet, tu
resteras.

- M. K., algérien, dont la mère et les soeurs vivent en France. Sa mère
a eu une altercation avec une voisine. Celle-ci a dénoncé le fils à la
police et, dans sa déposition, l’a dénoncé comme étant "le
commanditaire" de la crise (?). L’avocat a beau relever et développer
qu’il n’y a aucun élément matériel probant entre cette dénonciation et
l’interpellation pour irrégularité de la situation de Mr K. La juge
rejette l’exception de nullité et ouvertement se moque en riant de
concert avec la représentante du Préfet du malheureux qui tente de se
défendre. Il a pourtant un enfant reconnu et vit en concubinage notoire.

- Quant à Mme P., mongole, qui est là pour une prorogation d’une
nouvelle période, son cas est pour le moins singulier. Elle est mariée
et a un enfant. Son mari, arrêté en même temps qu’elle, a été libéré.
Elle comprend à peine l’anglais et n’arrête pas de pleurer. Elle se fait
carrément engueuler par la juge, la représentante du Préfet s’élève
contre une mesure de clémence : elle a une volonté déclarée de rester en
France : elle doit rester au CRA et être expulsée.

Heureusement pour le moral dimanche a été une journée amicale, malgré
les menaces lourdes sur la tête de Mr B.

En nous quittant le soir, avec son épouse, l’inquiétude renaît.

Nous ne les oublions pas.}

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