Une tribune pour les luttes

Interview de Mumia Abu Jamal- juillet 2007

« Nous nous battons pour un nouveau procès »

Article mis en ligne le lundi 24 septembre 2007

La traduction est de Jean-Luc pour le comité Mumia de marseille

Comité de soutien à Mumia Abu-Jamal
C/o viretto & dieudonné
18 place Jean Jaurès
13001 Marseille, France
Tél./fax 04 91 42 98 47
mumia.marseille chez free.fr

« Nous nous battons pour un nouveau procès »
Interview de Mumia Abu Jamal- juillet 2007
par Margaret Prescod pour son émission de radio « Sojourner Truth » Pacifica Radio Network

Margaret Prescod : Mumia, les gens ne sont pas d’accord sur la manière de te définir : comme un chauffeur de taxi, un journaliste d’investigation, un Black Panther, un avocat de prison. Comment te vois-tu ?

Mumia Abou Jamal : Eh bien, d’une certaine manière, tout ça et encore plus.
Je veux dire, quand les gens ne sont pas d’accord, parfois certains demandent de la simplicité, alors que la vie est rarement aussi simple. La vie est complexe, et bien d’autres, herboriste, avocat en prison, écrivain, poète, pas un très grand, mais j’essaie, père, grand-père, mari ; et, vous savez, toutes ces choses sont vraies.

MP : Comment arrivez-vous à trouver l’information et la concentration pour faire vos rubriques qui passent sur les ondes de plus de 100 stations de radio dans tout le pays ?

MAJ : Je lis, beaucoup, des livres intéressants sur la politique, parfois l’histoire. J’essaie de lire plusieurs journaux, et je me renseigne sur ce qui se passe ici, autour de moi. Vous savez, un article sur un événement local est mieux que, par exemple, un commentaire sur la guerre (rire). Pour ne pas perdre l’oeil du journaliste. Un sujet comme un autre.

MP : Quel est ton emploi du temps ? Combien d’heures par jour as-tu à l’extérieur, et comment les passes-tu ?

MAJ : Dans de nombreux États, le couloir de la mort est comparable à un cachot. On est dans une cellule, seul. Sauf pendant 2 heures par jour, quand on est dans une cage. Certains appellent ça une cour, mais je pense qu’il vaut mieux l’appeler une cage, qu’on y soit seul ou non.
Alors, 22 heures par jour, ça laisse beaucoup de temps pour penser, pour lire, écrire, etc. , alors, et ça peut paraître étonnant, mais j’ai en fait plus de temps (rire) que le journaliste ou commentateur radio moyen.

MP : un peu de temps pour faire des exercices, peut-être ?

MAJ : Eh bien, oui. En cage, on peut faire un peu de jogging, des pompes etc. Moi, j’adore le handball. C’est comme le tennis, sans raquettes. (rires des 2 ). C’est très vigoureux, un bon exercice, et habituellement 3 fois par semaine, je peux faire un match, en fait on en a joué un très bon ce matin.

MP : En quoi la vie en prison a-t-elle changé en 25 ans ?

MAJ : D’une manière qui n’était certainement pas imaginable il y a 30 ans. On n’aurait pas cru qu’on puisse arriver à quelque 3 millions de prisonniers, vous savez que dans l’État où vous êtes, la Californie, il y en a plus en ce moment que dans toute la France. C’est dingue, on ne peut même pas se faire une idée d’un tel chiffre.
Alors, en 30 ans, on a bâti ce qu’on appelle parfois le complexe pénitentiaire industriel. Il y a beaucoup d’argent en jeu, beaucoup de business, beaucoup de pouvoir social à y gagner, en ce sens que beaucoup de ceux qui en forment la population viennent du coeur des villes, et ils sont transportés dans les régions rurales plutôt dépeuplées.
Ce que beaucoup de gens ignorent, c’est que toute cette population est comptée, non seulement dans le recensement, mais aussi dans les circonscriptions électorales, bien qu’évidemment nos voix, nos soucis, nos vies, aucuns de nos intérêts ne comptent.

MP : Mumia, tu es à l’intérieur, et ceux qui te soutiennent sont dehors, c’est un vrai problème. Comment leur donnes-tu des instructions pour leur travail ?

MAJ : De manière personnelle, en général, j’écris des lettres, je téléphone et parle à des gens, également à travers ceux qui me soutiennent, qui peuvent communiquer plus profondément, plus intensément avec les plus jeunes. Nous travaillons de personne à personne, c’est le seul moyen vraiment efficace, je pense, pour réellement armer quelqu’un pour ce boulot très ardu d’activiste anti-prison.

MP : Vois-tu ton propre cas comme ayant une influence sur ceux des autres prisonniers ?

MAJ : C’est difficile à évaluer, parce qu’on a du mal à communiquer plus loin que son propre quartier. Il est également difficile, quand on n’est pas en prison, de comprendre le degré d’isolement dans certains systèmes pénitentiaires, les nouvelles prisons sont construites différemment des anciennes.
Dans les vielles prisons, les gens pouvaient communiquer et se déplacer bien plus facilement que maintenant. Les nouvelles visent à isoler les gens. Alors, tu peux avoir un type dans le quartier voisin, tu ne le vois peut-être pas de 6 mois, d’un an, je veux dire qu’on est vraiment isolés, en dehors de son propre quartier.

MP : Comment sont les « vieux » prisonniers, comparés aux « jeunes » ? As-tu noté une différence entre ceux qui sont enfermés depuis longtemps et ceux qui arrivent ? Par rapport à toi, par exemple ?

MAJ : Eh bien, quand je suis rentré, j’étais bien plus âgé que beaucoup de ceux qui arrivent maintenant. J’avais 27, 28 ans, ce qui me semble jeune maintenant, mais comparé aux ados et jeunes de 20 ans d’aujourd’hui, ça fait une belle différence entre alors et maintenant.
Je peux dire de façon certaine que beaucoup des anciens ont tendance à être plus calmes, plus conscients. Parmi les jeunes, récemment, c’est pas juste une question d’âge, mais aussi ils viennent d’une situation qui est bien pire qu’il y a 20 ans.
Je veux dire par-là que, dans de nombreuses communautés, disons à Philadelphie, la situation est bien plus dangereuse, instable économiquement, bien plus désastreuse socialement qu’avant. Ca se voit quand on rencontre des jeunes qui sont, à mon avis, dans un état de rage constant, d’incapacité, de refus d’écouter les plus anciens.

MP : Pour parler de ta situation, où en est cet élan pour un nouveau procès ? Tes avocats et ceux qui te soutiennent demandent un nouveau procès. Pourquoi cela, et pourquoi maintenant ?

MAJ : Pourquoi maintenant ? Evidemment, ça ne date pas d’aujourd’hui. Nous nous battons dans ce but depuis de nombreuses années, en différents lieux de cet Etat, et dans de nombreux tribunaux. Nous n’allons en Cour fédérale que depuis presque 10 ans, en tous cas depuis 2001 pour sûr, depuis que la décision de justice a été prise. On en est en Cour d’appel.
Nous réclamons un nouveau procès, et ça me rappelle ce qu’un de nos avocats disait : On ne se bat pas seulement pour obtenir un autre procès, mais un qui serait équitable, parce qu’en face de l’ancien juge, Albert A. Sabo, membre à vie de l’Ordre Fraternel de la Police, dont de nombreux avocats ayant travaillé en face de lui ont dit qu’il était un vrai procureur, on ne peut pas dire que mon procès a été équitable et juste.

MP : Si on t’accorde un nouveau procès, pouvons-nous nous attendre à du nouveau ?

MAJ : Oui, beaucoup de nouveau. Il y a de nombreuses années, j’ai dit que le jury n’avait pas entendu grand chose, et entendu des choses qui, franchement, étaient tout à fait injustes, fausses, et qui n’avaient rien à voir. Je l’ai dit au jury en 1982. Je pense que, si nous avons un nouveau procès, nous pouvons en apporter la preuve.

MP : Et si ce nouveau procès est refusé ?

MAJ : Je ne suis pas quelqu’un de négatif. Je ne pense pas négativement, ce n’est pas dans ma nature. Je ne suis pas non plus un incorrigible optimiste, mais je pense que nous avons construit un bon dossier, fort. Et je pense que les résultas seront bons.

MP : Mumia, comment tu y arrives ? Ca fait 25 ans que tu te bats contre une justice inique, le racisme incroyable du premier procès, et te voilà de nouveau au front, à lutter pour obtenir un nouveau procès. Comment tu y arrives ?

MAJ : Je suppose qu’on peut me décrire comme quelqu’un d’actif. C’est pas nouveau, mais c’est vrai. Pour moi, 24 heures par jour, ça ne suffit pas. J’ai toujours des projets en cours, des demandes sans réponses, des lettres que je n’ai pas écrites (rire) que franchement je pensais avoir écrites, des tableaux que je veux esquisser, ou dessiner ou peindre, des articles que je veux écrire, alors, il y a tant d’heures par jour, et j’essaie de bien les utiliser, mais en tous cas, je suis toujours actif, et je pense que ça aide.
Aussi, j’ai été entouré par des gens extraordinaires. Depuis mon premier jour, il y a de nombreuses années, à Philadelphie, dans tout le pays, tout l’État. Des hommes extraordinaires, dans le couloir de la mort. Et j’ai aussi rencontré des gens de tous les milieux, des gens remarquables, hommes et femmes, des écrivains, des militants, tout ce que vous voulez. Alors ça m’a beaucoup aidé.

MP : Gardes-tu l’espoir ?

MAJ : J’espère toujours, crois-moi. (tous deux rient) Tu sais, on ne peut pas échapper à sa nature profonde. J’ai dit que je n’étais pas un optimiste incorrigible, mais je garde toujours espoir, c’est ma façon de voir le monde.

MP : Ça, on s’en rend compte. Qu’aimerais-tu dire d’autre à ceux qui t’écoutent dans tout le pays et même le monde entier, grâce au Web ?

MAJ : Je voudrais juste que les gens sachent que je suis très sensible et reconnaissant pour tous les témoignages d’amour et de soutien que j’ai reçu depuis de nombreuses années. Je reçois des lettres chaque jour. Malheureusement, je ne peux pas répondre à toutes, mais je m’efforce de toutes les lire. Depuis quelques semaines, j’ai un problème parce qu’à peu près 7 fois par semaine au moins, je reçois des lettres d’amis en Allemagne, mais je ne sais pas encore vraiment lire l’allemand ! (tous 2 rient) Donc, je ne peux pas dire que je les ai toutes lues !
J’aimerais dire à ces gens, tu sais, en tête-à-tête, merci ! Merci de prendre le temps de m’écrire, merci de penser à moi, merci de vos voeux, et merci pour votre amour et votre soutien. Ça, ça compte pour moi, ça, je le ressens, et ma gratitude est immense.

MP : Mumia Abu Jamal, merci beaucoup d¹avoir passé ces quelques moments avec nous.

MAJ : Merci, Margaret.

La transcription est de Michael Schiffmann
- www.againstthecrimeofsilence.org
- www.abu-jamal-news.com

La version anglaise sur
- againstthecrimeofsilence.de/News/Mu...

Les enregistrement audios de Mumia sont sur le site :
- www.prisonradio.org

Retour en haut de la page

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Comité Mumia Abu Jamal de Marseille c'est aussi ...

0 | 5 | 10

Communiqués c'est aussi ...

0 | 5 | 10 | 15 | 20 | 25 | 30 | 35 | 40 | ... | 4750