Une tribune pour les luttes

Mut Vitz 13

Francisco TOLEDO, le Oaxaqueño

De l’autre coté du charco - carnet de passage par Abya Yala (Traba , Patxi Beltzaiz)

Article mis en ligne le jeudi 26 mars 2020

Un triste jour de mai 2015. Une manif pour demander le retour des 43 étudiants disparus d’Ayotiznapa. La foule est compacte. Partagée entre colère et apathie. Soudain, une clameur. La foule s’écarte. Je m’attends à voir Moïse débarquer. Non, c’est juste un homme aux cheveux longs, à la barbe hirsute, portant un simple pantalon de toile et des sandales en cuir. Il incline la tête. Serre des mains. J’hésite entre un homme politique mais sincèrement, il n’a pas la dégaine. Plus une star de rock sur le retour. Je demande à la femme, à côté de moi. Elle me regarde ahurie comme si je lui avais demandé la route pour Mars. Puis hausse les épaules et tourne les talons dans un geste d’ostensible mépris. Hé-Oh ! J’ai quand même le droit de ne pas connaître les grandes personnalités mexicaines !!

J’observe la foule et je m’approche d’un jeune au regard énamouré face à son idole. Doucement, pour ne pas le brusquer, je lui demande qui est en face de lui. Il me répond, d’une voix quasi mystique. El Maestro ! Il le répète à l’infini comme un mantra. El Maestro ! Un cri dans la foule, l’homme se retourne. Je croise son regard. Perçant. Presque magnétique. Je ne peux pas nier qu’il dégage une force incroyable. Un regard à la Picasso. Bon finalement, je n’étais pas si loin que ça…

Le lendemain, j’apprendrais par le journal la présence del Maestro Francisco TOLEDO à la manifestation de la veille. Un des plus grands peintres mexicains vivants. Mais cela n’est pas le plus important, j’apprendrais aussi qu’il est un infatigable défenseur des causes indigènes, un inlassable pourfendeur de la justice sociale et des droits humains pour tous. Oaxaca sera sa ville, celle où il laissera son empreinte, où sa générosité sera la plus prodigue. Beaucoup nous diront que sa grandeur n’est pas le fruit de sa célébrité ni même de sa richesse mais plus de son humanité.

Puis, nous sommes rentrés en France en se disant que la prochaine fois, on essaierait de le rencontrer et de faire un portrait de lui. Il avait la réputation d’être accessible alors pourquoi pas ! On avait juste oublier un détail. La mort, elle aussi voulait une interview exclusive. Elle nous l’a ravit le 5 septembre 2019.

À Oaxaca, Toledo est partout. Il suffit de se balader dans la ville pour le croiser à chaque instants. Dans tous les lieux qu’il a créé, dans toutes les batailles qu’il a mené. Francisco TOLEDO n’est pas mort. Il s’est juste absenté du monde des vivants. Á nous de le trouver, là où il se cache…

Première halte à l’ Institut des Arts Graphiques de Oaxaca (IAGO) . Une jolie maison coloniale avec un agréable patio. Mais le plus spectaculaire, c’est les différentes salles de bibliothèques. Toutes classées par thème. La gravure. La peinture. Le dessin. La photographie. Le cinéma, etc… Tout ce qui a trait à l’art en général. Il se dit qu’il y aurait plus de 30 000 références. Combien de vies pour lire tout cela ? Des livres généralement coûteux et difficile d’accès pour des étudiants ou personnes avec peu de ressources. Ici, tout est en libre-service. S’asseoir à une de ces merveilleuses tables en bois, penser à un auteur et revenir chargé de tout ce que l’on a déniché. Heureuse comme si on avait découvert un trésor. Ou alors se laisser guider par les noms, ouvrir un livre au hasard et laisser filer les heures. Et s’enrichir de choses que l’on ne connaissait pas encore la veille mais qui nous semble indispensable désormais.

La suite et les photos ici

P.-S.

Nous vous invitons à suivre "De l’autre coté du charco" sur place :

https://delautrecoteducharco.wordpress.com

Nous publierons sur ce blog des articles et des photos des différents lieux et situations que nous rencontrerons durant notre passage en Amérique, ou plutôt en Abya Yala.
Abya Yala est le nom indigène pour désigner le continent Amérique.
Photographies : Patxi Beltzaiz / Textes : Vero Traba

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