Le projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » qui devait arriver en séance publique au Sénat (après avoir été présenté en commission) le mardi 28 mars a d’abord été repoussé, dans le contexte de la mobilisation contre la réforme des retraites, avant qu’Emmanuel Macron n’annonce son report et son découpage « en plusieurs textes ». On est depuis dans le flou le plus total. Tout est figé, en attente d’initiatives du gouvernement. Le monde associatif est lui prêt à défendre l’instauration d’une politique migratoire respectueuse de la dignité et des droits fondamentaux des personnes.
Le texte du projet de loi a été amplement discuté et critiqué par la Défenseur des Droits qui souligne des risques majeurs pour les droits fondamentaux des étrangers. Des associations et collectifs, dont Tous Migrants, ont déploré son contenu et formulé de nombreuses propositions.
En commission, les sénatrices et sénateurs n’y sont pas allés de main morte, proposant des modifications dont les effets auraient pu être dramatiques : la suppression de l’aide médicale d’État (ou AME), pour la remplacer par une aide médicale d’urgence (AMU), conditionnée à un « droit annuel » dont le montant serait fixé par décret. Ils auraient aussi « fait un blocage », selon plusieurs sources, sur les articles phares du projet de loi, visant à créer un titre de séjour provisoire « métiers en tension » en vue de régulariser des travailleuses et travailleurs sans papiers déjà présents sur le sol français et employés dans des secteurs où le manque de main-d’œuvre se fait particulièrement prégnant, et à permettre provisoirement aux demandeuses et demandeurs d’asile d’accéder au marché du travail, uniquement pour les requérant·es, qui ont le plus de chances d’obtenir une protection et de rester légalement en France à l’issue de leur demande d’asile. Les débats ont montré des désaccords profonds sur ces propositions au sein de la majorité sénatoriale, traduisant une forte pensée anti-immigration ... et un gouvernement qui ne veut pas affronter un possible échec et un nouveau 49-3. Gérald Darmanin l’a admis lui-même : « On doit discuter avec les responsables des Républicains, avec qui nous devons trouver un accord ». Ceci n’est pas le cas pour le moment, il n’est pas sûr que ce sera le cas.
Depuis, on attend et ce report s’apparente à un renoncement dans la forme. Les associations d’aide aux étrangers et étrangères restent « inquiètes » quant au « saucissonnage » annoncé par Emmanuel Macron. Morceler le texte est juste une façon de faire passer des questions très clivantes au travers de textes plus consensuels. Pour arriver à ses fins, le ministre de l’Intérieur espère toujours convaincre la droite LR et ainsi trouver une majorité aux mesures les plus emblématiques du texte. Un petit aperçu de ses idées : une nouvelle proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale par des députés de la majorité : "Proposition de loi visant à permettre l’exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports", justifiée par une « nécessité d’équité et de justice sociale » ! Qui dit mieux ?
Les associations, qui ont formulé de nombreuses recommandations sur les sujets en débat et pour rétablir un accueil digne des immigrés, restent bien entendu mobilisées sur ce sujet et travaillent à d’autres initiatives, telles que la tenue d’un Parlement de rue avec une forte participation de personnes concernées, ou la promotion d’une convention citoyenne sur les migrations. La lutte continue....