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** Je suis rentré dans la bouche de la baleine et je suis sorti vivant.
Je suis entré dans le métro et je ne suis plus sorti. **
par Métie Navajo - 14 novembre 2020
Je descends la rue d’Alésia, embouteillée, rien ne nous est épargné
cette fois ; qui entend un oiseau ? Retour au règne des voitures, si
tu as un peu de quoi vivre si tu es remboursé en notes de frais quand
t’es pas au télétravail, si t’es riche juste un peu, le minimum, tu
prends la voiture, pas le métro. Le métro c’est pour le virus.
Je sors en vélo
du 14e vers le 14e dans le 14e
en cercle d’un kilomètre de diamètre autour de moi
et puis beaucoup plus loin
Ne me demandez pas quelle case j’ai cochée pour ça
Et par trois fois
Quelqu’un crie
Mots projetés dans le vide
à trois points différents
éloignés l’un de l’autre
Ne pas leur demander quelle case ils ont cochée pour
Crier
Le masque sous ou sur ou au-dessus
la bouche
Les cris étouffés ne le sont plus.
https://www.lavoiedujaguar.net/Je-suis-rentre-dans-la-bouche-de-la-baleine-et-je-suis-sorti-vivant-Je-suis
** Le devoir de parole **
par Pierre Clastres - 11 novembre 2020
Parler, c’est avant tout détenir le pouvoir de parler. Ou bien encore,
l’exercice du pouvoir assure la domination de la parole : seuls les
maîtres peuvent parler. Quant aux sujets : commis au silence du respect,
de la vénération ou de la terreur. Parole et pouvoir entretiennent des
rapports tels que le désir de l’un se réalise dans la conquête de
l’autre. Prince, despote ou chef d’État, l’homme de pouvoir est
toujours non seulement l’homme qui parle, mais la seule source de
parole légitime : parole appauvrie, parole pauvre certes, mais riche
d’efficience, car elle a nom commandement et ne veut que l’obéissance
de l’exécutant. Extrêmes inertes chacun pour soi, pouvoir et parole ne
subsistent que l’un dans l’autre, chacun d’eux est substance de
l’autre et la permanence de leur couple, si elle paraît transcender
l’Histoire, en nourrit néanmoins le mouvement : il y a événement
historique lorsque, aboli ce qui les sépare et donc les voue à
l’inexistence, pouvoir et parole s’établissent dans l’acte même de
leur rencontre. Toute prise de pouvoir est aussi un gain de parole.
Il va de soi que tout cela concerne en premier lieu les sociétés
fondées sur la division : maîtres-esclaves, seigneurs-sujets,
dirigeants-citoyens, etc. La marque primordiale de cette division,
son lieu privilégié de déploiement, c’est le fait massif, irréductible,
peut-être irréversible, d’un pouvoir détaché de la société globale
en ce que quelques membres seulement le détiennent, d’un pouvoir qui,
séparé de la société, s’exerce sur elle et, au besoin, contre elle.
(...)
https://www.lavoiedujaguar.net/Le-devoir-de-parole
** Contre les convois de la réintoxication du monde...
… quelques idées à la volée **
par L’Amassada - 8 novembre 2020
La crise déstabilise les flux capitalistes, c’est un fait. L’aviation
n’a jamais été aussi mal au point, une explosion d’un stock de
nitrate d’ammonium détruit le port de Beyrouth. RTE, pour sa part,
s’inquiète de la capacité de production électronucléaire, suite aux
retards qu’EDF a pris dans la maintenance des centrales nucléaires
pendant le confinement, et en appelle aux écogestes pour éviter les
coupures d’électricité cet hiver.
Pourtant, partout, et à toutes les échelles, les transports destinés
à l’extraction des matières premières, à la construction des
infrastructures et des centrales de production, à la maintenance de
celles existantes et à la gestion des déchets produits par l’ordre
électrique, continuent leur sombre circuit.
Ce lundi aura lieu le premier transport du combustible nucléaire pour
l’EPR de Flamanville toujours défaillant malgré des années de retard,
des surcoûts faramineux et une ligne THT construite spécialement pour
l’occasion au cœur du bocage normand. EDF s’obstine ainsi à faire des
coups de communication pour soigner son image, alors même que
l’entreprise est plongée dans une crise financière, technologique et
humaine sans précédent. Depuis le début de la crise sanitaire, tous
les voyants s’allument pour l’électricien et ses centrales nucléaires.
(...)
https://www.lavoiedujaguar.net/Contre-les-convois-de-la-reintoxication-du-monde-quelques-idees-a-la-volee
** Court aperçu du temps long de l’État **
par Louis de Colmar - 5 novembre 2020
Il n’y a pas de liberté sans responsabilité. La liberté c’est la
capacité d’exercer ses responsabilités, la soumission c’est être
dépossédé, volontairement ou non, de cette capacité d’exercer cette
responsabilité sur tous les aspects de son existence.
La liberté ce n’est donc pas une capacité de faire ou de ne pas faire,
c’est pouvoir être responsable de ce que l’on fait et/ou de ce que
l’on ne fait pas. La liberté de faire et/ou de ne pas faire est
socialement aveugle, tandis que la responsabilité est toujours relative
à un collectif, au regard de ses semblables.
Tous les systèmes modernes de domination sociale sont non seulement
des systèmes de privation de responsabilité, mais encore des systèmes
de transferts de responsabilité, des systèmes d’anonymisation,
d’invisibilisation, de dilution de la responsabilité. Ce qui
caractérise les systèmes bureaucratiques, c’est que non seulement
les individus de base sont privés des responsabilités essentielles sur
leur vie, mais qu’en outre ce ne sont plus d’autres humains qui en
assument la charge, mais que cette responsabilité se perd littéralement
dans les rouages automatisés du fonctionnalisme administratif. La
responsabilité est seulement réduite au respect passif des règles et
des procédures pour masquer l’irresponsabilité de chacun dans leur
détermination et contrôle. (...)
https://www.lavoiedujaguar.net/Court-apercu-du-temps-long-de-l-Etat
** "La Grande Transformation" (VIII) **
par Georges Lapierre - 3 novembre 2020
Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
"La Grande Transformation" (à suivre)
La pénétration du marché dans la société soulève, nous dit Karl
Polanyi, deux questions importantes : celle concernant la place de
l’homme et celle de la terre. "Il fallait faire entrer l’homme et la
nature dans l’orbite du marché." Ce qui signifie que le travailleur
(et son travail) ainsi que la terre doivent obéir à la loi de l’offre
et de la demande sur laquelle repose le marché. Une telle conception
de l’homme et de la terre ne peut avoir que des conséquences
catastrophiques : "La fiction marchandise ne tenait aucun compte du
fait qu’abandonner le destin du sol et des hommes équivaudrait à les
anéantir" (p. 194). Je suis bien d’accord avec ce point de vue qui
peut nous paraître prémonitoire alors qu’il n’était, hélas, qu’un
constat, un constat qui préfigure un devenir. Seulement l’expérience
mexicaine m’amène à penser que "l’homme et la nature" ou que
"le destin du sol et des hommes" ne sont pas deux destins séparés et
emportés par le même mouvement, mais bien un seul et même destin.
C’est une erreur de séparer l’homme et la nature (ou culture et
nature).
L’idée que nous nous faisons de l’homme et de son environnement, du
territoire et de la terre, est une seule et même idée et nous ne pouvons
pas séparer l’idée que nous nous faisons de l’homme de celle de la
terre. Concevoir l’homme comme individu consiste, dans le même
mouvement, à privatiser la terre. (...)
https://www.lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-VIII
LA VOIE DU JAGUAR • Informations et correspondance pour l’autonomie individuelle et collective • lavoiedujaguar chez riseup.net • http://lavoiedujaguar.net