Confronté à une révolte née de l’accumulation des inégalités et des
discriminations dans les banlieues et les quartiers pauvres, le gouvernement
vient de franchir une nouvelle étape, d’une extrême gravité, dans l’escalade
sécuritaire. Même en mai 1968, alors que la situation était bien plus
dramatique, aucune loi d’exception n’avait été utilisée par les pouvoirs
publics. La proclamation de l’état d’urgence répond à une révolte dont les
causes sont profondes et bien connues sur le seul terrain de la répression.
Au-delà du message symbolique désastreux que nourrira la référence à la
guerre d’Algérie, il ne s’agit pas seulement de « couvre-feu », ce qui est
déjà de l’ordre d’une logique de guerre. En fait le gouvernement a sciemment
menti. La loi du 3 avril 1955 autorise des interdictions de séjour pour
« toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit,
l’action des pouvoirs publics », des assignations à résidence pour « toute
personne [...] dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre
publics », la fermeture des « lieux de réunion de toute nature » et
l’interdiction des « réunions de nature à provoquer ou à entretenir le
désordre ». Le gouvernement a même prévu des perquisitions de nuit. Il peut,
en outre, faire « prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la
presse et des publications de toute nature », et donner compétence aux
juridictions militaires en concurrence avec les juges ordinaires.
Stopper les violences et rétablir les solidarités dans les banlieues est une
nécessité. Cela implique-t-il de les soumettre à une législation d’exception
héritée de la période coloniale ? On sait où mène le cycle bien connu qui
enchaîne provocations et répression, et quels résultats il permet d’obtenir.
Les banlieues n’ont pas besoin d’état d’exception : elles ont besoin,
désespérément, de justice, de respect et d’égalité.
Signataires :
Alternative Citoyenne, ATMF, CEDETIM, Comité des sans-logis, CRLDHT,
Fédération syndicale unitaire, Ligue communiste révolutionnaire, Ligue des
droits de l’Homme, MRAP, Parti communiste français, Syndicat des avocats de
France, Syndicat de la magistrature, Union syndicale Solidaires, Les Verts.
Paris, le 8 novembre 2005