Une tribune pour les luttes

Refus de prélèvement ADN : les 5 de Roanne relaxés
3 janvier : le parquet fait appel.

Rebellyon

Article mis en ligne le vendredi 3 janvier 2014


La rafle de Bellecour
(sur la répression à Bellecour en 2010, voir Mille Bâbords http://www.millebabords.org/spip.ph..., 15729 et bien sûr http://rebellyon.info/)

A lire avec les illustrations :
http://rebellyon.info/?Refus-de-prelevement-ADN-les-5-de


3 janvier 2014
France : Le parquet fait appel contre les 5 CGT

Le parquet général de Lyon a fait appel mardi de la décision du tribunal correctionnel de Roanne de relaxer les cinq syndicalistes de la CGT qui avaient refusé un prélèvement ADN. Ces derniers avaient tagué "casse toi pov con" lors d’une manifestation contre la réforme des retraites en 2010 à l’adresse du député du secteur, Yves Nicolin.


26 décembre

Le 5 novembre 2013, les 5 de Roanne étaient jugés pour «  refus de prélèvement ADN ».

Participant au mouvement contre la réforme des retraites de 2010, ces 5 syndicalistes de la CGT avaient graffité, sur des murs roannais, des «  casse toi pov’ con  » à l’adresse d’un notable local.

C’est pour cela qu’ils avaient été traî­nés en jus­tice, et condam­nés en pre­mière ins­tance, avec ins­crip­tion au volet B2 du casier judi­ciaire, ce qui aurait engen­dré pour ces fonc­tion­nai­res la révo­ca­tion d’office, si ce ver­dict était devenu défi­ni­tif.
Ils ont donc fait appel, et au palais de jus­tice des 24 colon­nes, fin 2012, ont ainsi été fina­le­ment dis­pen­sés de peine, et de toute ins­crip­tion au casier judi­ciaire.

Mais en mai 2013, ils reçoi­vent une convo­ca­tion pour pré­lè­ve­ment d’ADN : ils avaient été «  seu­le­ment » dis­pen­sés de peine, l’ins­ti­tu­tion judi­ciaire roan­naise se pen­sait donc en droit de pré­le­ver leurs ADN, la loi sem­blait le lui per­met­tre...
S’étant rendus à leur convo­ca­tion pour expli­quer qu’ils refu­saient ce pré­lè­ve­ment d’ADN car ils étaient « des mili­tants, pas des cri­mi­nels », ils ont subi, le len­de­main à l’aube, une inter­pel­la­tion à leurs domi­ci­les res­pec­tifs suivie d’une garde à vue. Et été inculpés pour ce refus de pré­lè­ve­ment, bien sûr...

Le fichage ADN : contrôle social et injure envers les militant.e.s

On peut remar­quer que le fichage des ADN, au départ, a été demandé par des asso­cia­tions de parents d’enfants vic­ti­mes de vio­len­ces sexuel­les et de meur­tres, et obtenu suite à l’affaire Dutroux : il visait les auteurs de délits et crimes sexuels (sur mineurs essen­tiel­le­ment). On pense ici au tor­tion­naire Dutroux, assas­sin des enfants Julie, Mélissa, An, Eefje, tor­tion­naire dont on connaît les tech­ni­ques de démo­li­tion de ces jeunes per­son­nes par les deux sur­vi­van­tes : Sabine et Laëtitia. On pense aux vio­leurs d’enfants qui atten­dent, terrés à l’ombre d’un bos­quet, et qui lais­se­ront un cada­vre der­rière eux.
On pense à ce qu’on voit à la télé...
On ne pense pas à la majo­rité des vio­leurs d’enfants : ceux qui œuvrent au sein de leur propre famille, sur leurs pro­pres enfants ou sur des enfants liés à eux par d’autres liens d’inter­connais­sance, fami­liale ou ami­cale, avec des adul­tes parents de ces enfants. L’inté­rêt du fichage ADN appa­raî­trait, en effet, peut-être plus limité déjà, dans ces cas moins média­ti­sés, et pour­tant beau­coup plus fré­quents...

On ne pense pas à José Bové, ni aux 5 de Roanne, ni à tant d’autres cama­ra­des ano­ny­mes, qui ont du subir l’humi­lia­tion d’être mis dans ce fichier : vous savez, celui des cri­mi­nels sexuels ?!
In fine, les crimes sexuels font tou­jours autant de vic­ti­mes dans l’impu­nité, le fichage ADN s’est, lui, foca­lisé sur d’autres cibles en pra­ti­que... : nous. « Militants, pas voyous », « mili­tants, pas cri­mi­nels », prend ici tout son sens.
Le fichage ADN prend en effet, du fait de cette his­toire et de cette genèse, en plus du côté « contrôle social et fichage  », un aspect insul­tant pour les cama­ra­des qui le subis­sent.

Un rassemblement de soutien réussi, une relaxe obtenue !

Au cours de ce procès du 5 novem­bre 2013 pour refus de pré­lè­ve­ment ADN, procès marqué par la pré­sence de mil­liers de cégé­tis­tes en sou­tien dans la ville de Roanne (20000 selon la CGT, 8000 selon la police), le pro­cu­reur avait requis un mois de prison avec sursis, ajou­tant ne pas com­pren­dre que l’on puisse refu­ser de se faire pré­le­ver de l’ADN, tant les effets du fichage sont posi­tifs : par exem­ple, expli­qua-t-il, c’est grâce à son ADN pré­sent au fichier, que l’on a pu iden­ti­fier un sque­lette récem­ment, ce qui n’aurait pas été pos­si­ble sans ce fichage géné­ti­que...

Le déli­béré était mis au 17 décem­bre 2013.

Résultat : les 5 de Roanne sont relaxés, et les ébauches de juris­pru­den­ces obte­nues sont inté­res­san­tes, puisqu’il a été jugé qu’une per­sonne non condam­née ne pou­vait subir un pré­lè­ve­ment d’ADN (les 5 de Roanne avaient été dis­pen­sés de peine, donc certes reconnus cou­pa­bles, mais...non condam­nés). Leurs gardes à vue ont également été reconnues illé­ga­les.
Le Parquet a déclaré atten­dre de rece­voir le juge­ment détaillé pour déci­der ou non de faire appel...

Un soutien massif, mais pour qui et comment ? Questionner les oublis syndicaux...

Si l’on peut se féli­ci­ter d’une telle issue, à laquelle la mobi­li­sa­tion mas­sive autour des palais de jus­tice a apporté une contri­bu­tion pro­ba­ble­ment très impor­tante, on peut tou­te­fois ques­tion­ner les moda­li­tés de sou­tien d’aujourd’hui : sou­tien par les syn­di­cats de ceux qu’ils reconnais­sent comme des mem­bres impor­tants du syn­di­cat, mais pas, maté­riel­le­ment, de tou.te.s les inculpé.e.s des mou­ve­ments d’octo­bre 2010.
Relire les compte-rendus d’audien­ces lyon­nai­ses d’octo­bre 2010, puis de début 2011 pour les appels, remet ainsi, très vite, les pen­du­les à l’heure : pour 5 cama­ra­des relaxés au bout de plu­sieurs années, com­bien ont été condamné.e.s dans l’ombre ?

Jeune, précaire, lycéen.ne, quel soutien ?

En octo­bre 2010, des jeunes, la plu­part non syn­di­qué.e.s car trop sou­vent le syn­di­ca­lisme ne sait plus accueillir les pré­cai­res en tant que cama­ra­des de lutte, mais uni­que­ment en tant que per­son­nes pou­vant néces­si­ter un sou­tien juri­di­que et de conseil indi­vi­duel, ni inclure ceux qui sont encore élèves, ont été inter­pellé.e.s, puis traîné.e.s dans la boue par leurs juges.
Ce, dans un contexte où des jeunes mobi­lisé.e.s, c’était for­cé­ment « de la racaille qui vient pour tout casser ».

La «  racaille  » a écopé de jusqu’à un an de prison ferme, pour des jets de pro­jec­ti­les pré­su­més sur des poli­ciers durant le mou­ve­ment contre la réforme des retrai­tes. Les jets de pro­jec­ti­les étaient lar­ge­ment engen­drés par l’atti­tude des poli­ciers eux-mêmes, qui n’hési­taient pas à pour­sui­vre et har­ce­ler de leur pré­sence et de leurs arme­ments les jeunes mani­fes­tant.e.s, de façon ciblée.

Un agent de la SNCF, qui, alors que nous mar­chions sur les rails le 21 octo­bre 2010 matin, évoquait devant moi «  les jeunes cas­seurs  », s’est vu fort sur­pris par ma réponse lors­que, me mon­trant une pile de tuiles au bord des rails, il déclara : « nous, si jamais les CRS veu­lent venir sur les rails, qui sont du domaine privé d’ailleurs donc ils n’ont pas à y venir, on saura les accueillir ». Je lui dis «  ben pour des pier­res bien plus peti­tes que ça, des jeunes ont pris des mois ferme... ».
Le che­mi­not blêmit, d’un coup, réa­li­sant que les cas­seurs, c’étaient des gens comme lui : des gens qui savent accueillir digne­ment les CRS sur leur ter­ri­toire pro­fes­sion­nel.

Mais ce blê­mis­se­ment n’a pas eu pour effet de déclen­cher l’élan de soli­da­rité qui, pour ces jeunes autant que pour les 5 de Roanne, aurait été néces­saire.
Fondamentalement, ce sys­tème mili­tant où de fait, l’on ne défend que les mem­bres de son groupe, et pas les autres, a pour consé­quence directe ce sou­tien très dif­fé­ren­cié selon « qui  » est à sou­te­nir. Selon la place du/de la « sou­tenu.e  » dans les nota­bi­li­tés mili­tan­tes, et selon sa «  mise de départ  » sur la bonne « cha­pelle  » mili­tante : celle qui saura le mieux le défen­dre, il.elle sera plus ou moins sou­tenu.e.

Autant dire que la place de ces jeunes dans ces « nota­bi­li­tés mili­tan­tes  » est nulle.
Eux.elles, per­sonne n’y a pensé en syn­di­ca­liste, on dirait...

Un projet de loi d’amnistie qui reproduisait cet oubli

Au point que même la loi d’amnis­tie, fina­le­ment mise aux oubliet­tes par un gou­ver­ne­ment rose pâle, mais dont la CGT re-parle dans son texte mis en lien ci-des­sous, n’aurait pas permis l’amnis­tie de ces jeunes : en effet, le projet pré­senté évoquait «  les syn­di­ca­lis­tes », ainsi que les tra­vailleurs acteurs de mou­ve­ments sociaux.

Mais pas les non tra­vailleurs.euses de ces mou­ve­ments...pas ces jeunes qui sont celles.ceux qui, en réa­lité, ont le plus morflé, dans le silence ambiant, par­semé seu­le­ment de temps en temps de récits, par bribes, de ce qui leur était infligé, tels ces compte rendus d’audience parus sur rebel­lyon.

On peut rêver du jour où le sou­tien aux 5 de Roanne sera inter-syn­di­cal, et aussi du jour où les jeunes, et notam­ment ceux/celles issu.e.s des filiè­res de lycées pros et tech­ni­ques, retrou­ve­ront toute leur place dans le syn­di­ca­lisme, pour y appor­ter avec nous, au propre comme au figuré, la révo­lu­tion, ou du moins un syn­di­ca­lisme qui mérite le nom de révo­lu­tion­naire, et n’hésite pas à se faire por­teur d’une aspi­ra­tion claire à l’égalité économique et sociale entre tou.te.s.
Et qu’ils.elles béné­fi­cie­ront ce jour-là, en retour, de la même soli­da­rité confé­dé­rale de la CGT, mais aussi des autres cen­tra­les, que nos 5 cama­ra­des roan­nais.e.s,

Et on peut œuvrer à le réa­li­ser, ce rêve, si on refuse d’oublier ce que devrait être une jus­tice digne de ce nom, et si on cons­truit de la soli­da­rité qui dépasse les fron­tiè­res de chaque orga­ni­sa­tion...parce que quand on par­ti­cipe d’un même mou­ve­ment social, c’est aussi qu’on est d’un même monde mili­tant, qu’on se défi­nisse soi-même comme mili­tant.e, ou non.
Et c’est cela qui devrait nous conduire à dire, et mettre en œuvre, la maxime : « tou.te.s pour un.e, un.e pour tou.te.s ».

Parce que la soli­da­rité sans limi­tes ni fron­tiè­res nous rend tou.te.s plus fort.e.s face à la répres­sion.

Zora la Rousse, racaille 2 France et folle alliée

La jus­­­tice est « le res­­­pect, spon­­­ta­­­né­­­ment éprouvé et réci­­­pro­­­que­­­ment garanti, de la dignité humaine, en quel­­­que per­­­sonne et dans quel­­­que cir­­­cons­­­tance qu’elle se trouve com­­­pro­­­mise, et à quel­­­que risque que nous expose sa défense. »
« Le droit est pour chacun la faculté d’exiger des autres, le res­­­pect de la dignité humaine dans sa per­­­sonne ; le devoir, l’obli­­­ga­­­tion pour chacun de res­­­pec­­­ter cette dignité en autrui »
(Pierre-Joseph Proudhon, in « De la Justice dans la Révolution et dans l’Eglise »).

Rétrospective, principalement à travers les articles déjà parus sur rebellyon, des étapes de l’histoire des 5 de Roanne :

- Le 5 novem­bre 2013 : procès des 5 de Roanne pour refus de pré­lè­ve­ment d’ADN, 20000 per­son­nes pré­sen­tes en sou­tien selon la CGT

- Les 5 de Roanne se ren­dent à leur convo­ca­tion et expli­quent pour­quoi ils refu­sent le pré­lè­ve­ment d’ADN : résul­tat, le len­de­main à l’aube, la police roan­naise vient les cher­cher bru­ta­le­ment à domi­cile et les met en garde à vue

- Convoqués en mai 2013 pour pré­lè­ve­ment d’ADN

- Dispensés de peine en appel pénal en 2012

- Compte rendu et mise en pers­pec­tive cri­ti­que du ras­sem­ble­ment lors du procès en appel des 5 de Roanne du 15 octo­bre 2012

- L’appel au ras­sem­ble­ment du 15 octo­bre 2012 en sou­tien aux 5 de Roanne

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